Voyage en Martinique

Toussaint 1990

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Ce voyage réunissait Laurent et Françoise Cabane et leurs enfants sauf leur dernière fille Raphaëlle, âgée de 10 mois : Romain, auteur du récit, était âgé de 10 ans, son frère Étienne de 8 ans, et sa soeur Charlotte de 6 ans.

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Raphaëlle était chez sa marraine.

Dimanche 28 octobre 1990

Quand nous nous levons, nous sommes un jour d'automne comme les autres - pluvieux, froid, maussade, gris et venteux - seulement, nous allons partir en Martinique. J'espérais en partant avoir un meilleur temps là-bas qu'ici. Après un long et déplaisant voyage en RER, nous arrivons à Roissy. Comme Papa et Maman ne voulaient pas arriver en retard, nous avons deux heures trente minutes à tuer avant l'embarquement. Nous mangeons nos sandwichs.

Enfin, après trois longues heures d'attente, nous sommes dans le Boeing qui nous emmène en Martinique. Nous décollons à 15 heures 45 précises (heure française) et, évidemment, à cause du temps, moi qui me suis soigneusement placé près du hublot, je ne vois rien. La compagnie dans laquelle nous sommes ne se fatigue pas trop puisque, en huit heures de vol, nous ne mangeons qu'un goûter, un apéritif et un semblant de dîner. Nous atterrissons à 18 h 35 à Pointe-à-Pitre (heure locale). Nous nous sommes endormis après le film. Cinquante minutes après, nous décollons de nouveau pour faire trente minutes de vol avant d'atterrir pour de bon en Martinique, à Fort-de-France.

Quand nous sortons de l'avion, une odeur de terre mouillée et une chaleur suffocante nous assaillent. J'ai peur de ne pas réussir à m'habituer à cette moiteur. Nous prenons un petit car pour nous rendre aux Trois-Îlets, où se situe l'hôtel. À 23 heures (locales), nous sommes couchés. Toute la nuit, des petits crapauds chantent, émettant des milliers de bruits bizarres.

Lundi 29 octobre 1990

Le lendemain de l'arrivée, nous nous levons à 6 h 30 et prenons un bon petit déjeuner (jus de fruits et ananas frais) suivi d'une bonne baignade dans la mer Caraïbe. Cela m'étonne que l'eau puisse être aussi chaude. Nous louons ensuite une petite Renault 5 blanche. Elle est très bien et mon frère et moi sommes très contents de cette acquisition. Montés dedans, nous faisons un bout de chemin pour nous rendre dans un village tout près de la pointe du Diamant - où il y a d'ailleurs une superbe plage (notre préférée). En y allant, nous montons des côtes à 14 %. Sur la route, nous voyons plein de fleurs aux couleurs vives parmi un foisonnement de végétation tropicale où nous pouvons apercevoir des bananiers, des cocotiers et toutes sortes de lianes... Arrivés dans ce village, nous mangeons des fruits assez spéciaux comme par exemple des caramboles, qui sont des fruits d'une couleur jaune-vert en forme d'étoiles allongées et ayant le goût et la consistance d'une pomme. Nous restons longtemps à la plage du Diamant, où il y a d'énormes vagues. Cette plage est vraiment superbe ; les arbres cocotiers la bordent d'un bout à l'autre, le sable y est gris clair, presque blanc, et il y a une superbe vue sur le rocher du Diamant, dont le nom et la forme font allusion au passé flibustier de cette île de rêve. Nous déjeunons de petites bananes succulentes, de clémentines, de concombre, de petites mangues, de pain et de saucisson.

Après cette baignade, nous allons à pied dans la forêt vierge de Montravail (circuit botanique) sur une petite route (il y a là des fougères arborescentes, des manguiers, des mimosas, des bambous gigantesques, des orchidées, des papillons, des lézards verts, des crabes rouges...). Retournés à l'hôtel, nous goûtons au bar-restaurant de l'hôtel à l'invitation de Papa et Maman. Nous sommes évidemment très contents. Je mange un yaourt et un chausson aux pommes. Étienne et moi allons ensuite à la piscine pour nous rafraîchir et pour nous débarrasser du sel.

Nous finissons pas aller dîner. On nous sert de la soupe de pêcheur, du poulet Colombo avec des pommes de terre et une banane cuite.

Nous allons nous coucher dans nos bungalows respectifs. Nous (les enfants) avons un bananier couvert de petites bananes vertes devant notre porte. Je suis très content de cette première journée passée sur l'île et je me mets à écrire le récit des événements de la journée pour ne pas en oublier.

Maman a remarqué que le bleu de la mer était changeant et très profond. Le matin au réveil, tons pastels sous les nuages rosés, à midi, bleu turquoise sombre - avec parfois des fonds verts. Les maisons sont en bois coloré et sur la route, les gens que nous rencontrons sont très typiques (chapeau " planteur ", machette et grand short).

Les acras de morue que nous mangeons en nous arrêtant quelquefois sur le bord de la route sont succulents.

Mardi 30 octobre 1990

Une fois notre petit déjeuner et notre baignade pris, nous relouons la R5. Avec celle-ci, nous allons à Fort-de-France, la "capitale" de la Martinique. Ici, il y a de nombreuses ruelles, étroites, très vivantes.

Nous continuons notre trajet pour nous arrêter au-dessus de Saint­Pierre de Martinique. Endroit nommé : "les Cantons Suisses " Dans un paysage superbe, nous observons des chèvres, des colibris, des poules, des zébus et des goyaviers parmi les montagnes vertes de végétation. Quand nous partons, nous apercevons une mangouste. Nous descendons ensuite à Saint-Pierre pour manger. Après cela, nous allons nous baigner sur une plage de l'anse de Céron, plage de sable noir où il y a des crabes violonistes (petits crabes rouges qui courent les deux pinces en l'air et en ayant une beaucoup plus grosse que l'autre), des gigantesques rouleaux et une belle vue sur la Dominique, qui est une autre île des Antilles, mais anglaise. J'ai vraiment la sensation d'être dans un monde qui n'est pas celui de mon enfance (qui du reste n'est pas encore lointaine).

Nous montons ensuite dans la forêt vierge, où nous voyons des fromagers, des balisiers, des acajous, d'énonnes bambous, sur lesquels se perchent quelques mygales... Il y a aussi de superbes points de vue entre les fleurs tropicales de toutes les couleurs. De petits lézards verts se promènent sur les arbres. Nous voyons aussi des fruits comme des prunes, qui ne sont autres que des maracudjas jaune d'or. Nous pressons nos parents de retourner à la voiture pour que l'on puisse se baigner de nouveau. Il faut bien dire que ces mygales qui se promènent au-dessus de nos têtes ne sont pas faites pour nous rassurer. De retour à la voiture, nous mangeons d'énormes avocats, qui, je trouve, n'ont pas beaucoup de goût, et de minuscules bananes vraiment délicieuses.

Après nous être de nouveau baignés, nous redescendons pour aller visiter le musée de Saint-Pierre, qui était fermé la première fois que nous y étions passés.

Nous finissons ensuite notre journée à l'hôtel et assistons à un superbe coucher de soleil. Notre deuxième journée passée sur ce paradis de végétation m'a enchanté.

Mercredi 31 octobre 1990

Ce matin, nous prenons notre petit déjeuner après nous être baignés dans la piscine. Nous allons en bateau à Fort-de-France. Dans les ruelles de la ville, il y a de superbes étalages de fruits, de fleurs, d'épices dégageant un parfum assez fort. Nous y achetons un rouleau de cacao, du curry, et des noix de muscade. Après nous être promenés dans la ville, j'achète un bateau en bouteille et un T-shirt.

Nous nous baignons ensuite dans un océan Atlantique où il n'y a pas de fond (ou plutôt où le fond est à une quarantaine de centimètres de la surface) et cela s'appelle donc les Fonds-Blancs du Vauclin. L'eau y est très chaude car le soleil la chauffe sur une faible profondeur et sur une très grande étendue. Nous allons nous restaurer dans un bar qui se situe sur cette petite plage déserte. Je mange un très bon sandwich beurre­gruyère (comme quoi il existe aussi des plaisirs simples chez les enfants). Après ce repas frugal, nous nous baignons de nouveau. Nous reprenons la voiture pour aller au Vauclin, montagne qui se révèle désagréable et boueuse mais dont le point de vue est assez pittoresque. Le chemin est tracé dans de la glaise rouge, il est bordé de végétaux épineux ou urticants. Le Vauclin est un ancien volcan. Pour couronner le tout, Étienne se fait mordre par une grosse fourmi. Nous revenons à l'hôtel avec des vêtements plus que sales.

Jeudi 1er novembre 1990

Nous allons nous baigner dans la piscine avec Étienne avant d'aller déjeuner. Nous partons en voiture pour aller voir le château Dubuc. Ce château est une ancienne demeure coloniale. On peut voir les ruines des "appartements" des esclaves, celles des réserves et installations pour traiter la canne à sucre. Il se situe au-dessus d'une petite crique, au milieu d'une grande étendue de gazon.

Nous arrivons dans un village où nous passons voir le cimetière où tout le monde s'affaire à nettoyer et à fleurir des tombes bien blanches. Nous nous engageons sur un chemin qui va vers la presqu'île de la Caravelle (2 heures 25 minutes) ; c'est un superbe chemin bordé de caféiers. Les vues sont superbes et nous nous amusons à faire se refermer les feuilles des Mimosa pudica, mais, en sueur, nous nous arrêtons et nous faisons demi-tour un quart d'heure après. Ensuite nous nous baignons à l'anse de l'Étang, qui est une très belle plage bordée de cocotiers.

Nous nous mettons à la recherche d'un restaurant, que nous trouvons au bout de longues minutes. Nous y mangeons des crudités avec des acras et des tartelettes au lambi, du sauté de cabri, de la fricassée de coq et du poisson grillé avec des gratins de papaye et de christophine, et en dessert, nous pouvons manger des glaces à la noix de coco, à la goyave et au maracudja.

Nous allons ensuite voir une bananeraie. Les bananiers y sont plantés en rangs serrés, les cultivateurs leur posent des sacs poubelle dessus pour que les insectes et autres amateurs de bananes ne les abîment pas. Puis nous allons à La Trinité. Les villages que nous traversons sous un ciel noir et apocalyptique "nous" font penser à la Nouvelle-Orléans. Ces villages sont très pittoresques ; ce sont de petites maisons blanches avec un petit jardin vert devant elles où poussent un ou deux bananiers. Sous ce ciel, cela fait un superbe contraste.

En rentrant aux Trois-Îlets, nous passons devant une église pleine de monde et dans le petit cimetière s'allument de nombreuses petites lampes qui illuminent faiblement les croix blanches.

Vendredi 2 novembre 1990

Ce matin-là, nous nous baignons dans la piscine et dans la mer sur "notre" plage avant de prendre notre petit déjeuner ; après cela, nous allons au jardin botanique de Balata. Ce jardin est plein de fleurs tropicales et d'arbres que nous n'avions jamais vus auparavant. Nous découvrons plusieurs espèces : des gingers rouges, des roses de porcelaine, des arums, des balisiers, des ananacées, des anthuriums et aussi des oiseaux-mouches, différentes sortes de palmiers, des arbres du voyageur avec des fruits (ces plantes sont de la même famille, ce sont des aracées), des palmiers, des philodendrons, des bégonias, des hibuscus en fleurs qui sont énormes... Nous nous promenons dans un arboretum où nous voyons plein d'arbres du pays comme châtaigniers, pains d'épice, lauriers gombo, lauriers isabelle, gommiers blancs, bois d'Inde, bois canon... Nous allons ensuite sur un chemin nommé ironiquement "Sur la trace des jésuites", où nous prenons notre déjeuner panni les bambous, balisiers, fougères arborescentes.

Quand nous passons à Fort-de-France, la ville est complètement au repos. Nous y achetons toutefois des poteries et nous nous promenons dans les quartiers chics de la ville.

Nous montons un peu plus tard sur la montagne Pelée, nous y ramassons nombre de pierres volcaniques de couleurs variant du rouge au noir en passant par le bleu et le rose ; la végétation y est serrée mais de petite taille et il n'y en a qu'en bas, le sommet de la montagne étant un vrai désert.

Nous nous achetons des boissons puis allons nous baigner.

Arrivés à l'hôtel, nous rentrons (Etienne et moi) dans l'eau chaude de la piscine. Au dîner, nous mangeons des acras de morue, de la fricassée d'écrevisse, des fruits de l'arbre à pain cuits au beurre (cela a tout à fait le goût des pommes de terre à l'eau) et de la crème au chocolat qui, elle, n'est pas très bonne.

Samedi 3 novembre 1990

Ce matin se passe comme les autres, je ne m'appesantirai donc pas là­dessus.

Nous allons nous baigner à la plage de la pointe Macré, qui se trouve du côté atlantique. La végétation y est très différente du reste de l'île : il y a des cactus en forme de cierges et de raquettes. Un peu plus loin, nous trouvons une plage tachetée d'oursins noirs, bruns, et de superbes et énonnes coquillages nommés lambis (ce sont des coquillages qui peuvent être rouges, roses, oranges ou même jaune d'or à l'intérieur). Nous nous rendons ensuite dans la zone de pétrification. Nous y voyons des restes d'arbres pétrifiés. Nous rapportons de belles pierres.

Nous nous rendons ensuite à la célèbre plage des Salines où nous ne voyons pas grand monde. C'est une plage de rêve. La mer est turquoise, le ciel est bleu, les palmiers remplis de noix de coco bordent la plage de sable blanc et l'eau y est chaude.

Nous nous arrêtons à Sainte-Luce pour nous rafraîchir sur la terrasse d'un bar. Papa en profite pour prendre la recette du ti-punch (ou punch blanc) qui se trouve à la fin de ce récit.

Dimanche 4 novembre 1990

Nous passons notre dernier jour en Martinique. On dirait qu'il va pleuvoir. Il semble que nous ayons bien choisi le jour de notre départ. Nous votons pour choisir l'endroit où nous voulons nous rendre. Nous choisissons à l'unanimité la plage du Diamant. Alors que nous partons, il se met à tomber des hallebardes. C'est une pluie comme les habitants de la Martinique doivent en voir souvent.

Quand nous arrivons, le ciel, qui s'était auparavant dégagé, se re­couvre. Nous nous baignons dans d'énormes rouleaux quand nous sentons une pluie fine, tiède, qui nous oblige à quitter la plage alors que nous venions de réussir (après maints efforts) à ouvrir une noix de coco. Nous nous dirigeons ensuite vers Sainte-Luce pour déjeuner "créole". Nous trouvons rapidement et mangeons à notre faim.

Maman remarque que les gens d'ici conduisent rapidement et d'une drôle de façon.

Nous finissons par nous rendre à l'aéroport pour repartir vers Paris.

Romain CABANE.

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Recette du punch blanc (ou ti-punch)

On remplit le verre de rhum blanc (La Mauny 50°), on met une cuillerée de sucre roux et un zeste de citron vert, on mélange un peu et on boit cul-sec. Au préalable, on aura repéré la fontaine la plus proche et on se précipitera dessus dès que le verre sera vide.

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  In La gazette de l'île Barbe n° 36

Printemps 1999

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