Raphaëlle était chez sa
marraine. Quand nous nous levons, nous sommes un
jour d'automne comme les autres - pluvieux, froid, maussade, gris et
venteux - seulement, nous allons partir en Martinique.
J'espérais en partant avoir un meilleur temps là-bas
qu'ici. Après un long et déplaisant voyage en RER, nous
arrivons à Roissy. Comme Papa et Maman ne voulaient pas
arriver en retard, nous avons deux heures trente minutes à
tuer avant l'embarquement. Nous mangeons nos sandwichs. Enfin, après trois longues
heures d'attente, nous sommes dans le Boeing qui nous emmène
en Martinique. Nous décollons à 15 heures 45
précises (heure française) et, évidemment,
à cause du temps, moi qui me suis soigneusement placé
près du hublot, je ne vois rien. La compagnie dans laquelle
nous sommes ne se fatigue pas trop puisque, en huit heures de vol,
nous ne mangeons qu'un goûter, un apéritif et un
semblant de dîner. Nous atterrissons à 18 h 35 à
Pointe-à-Pitre (heure locale). Nous nous sommes endormis
après le film. Cinquante minutes après, nous
décollons de nouveau pour faire trente minutes de vol avant
d'atterrir pour de bon en Martinique, à Fort-de-France.
Quand nous sortons de l'avion, une
odeur de terre mouillée et une chaleur suffocante nous
assaillent. J'ai peur de ne pas réussir à m'habituer
à cette moiteur. Nous prenons un petit car pour nous rendre
aux Trois-Îlets, où se situe l'hôtel. À 23
heures (locales), nous sommes couchés. Toute la nuit, des
petits crapauds chantent, émettant des milliers de bruits
bizarres. Le lendemain de l'arrivée, nous
nous levons à 6 h 30 et prenons un bon petit déjeuner
(jus de fruits et ananas frais) suivi d'une bonne baignade dans la
mer Caraïbe. Cela m'étonne que l'eau puisse être
aussi chaude. Nous louons ensuite une petite Renault 5 blanche. Elle
est très bien et mon frère et moi sommes très
contents de cette acquisition. Montés dedans, nous faisons un
bout de chemin pour nous rendre dans un village tout près de
la pointe du Diamant - où il y a d'ailleurs une superbe plage
(notre préférée). En y allant, nous montons des
côtes à 14 %. Sur la route, nous voyons plein de fleurs
aux couleurs vives parmi un foisonnement de végétation
tropicale où nous pouvons apercevoir des bananiers, des
cocotiers et toutes sortes de lianes... Arrivés dans ce
village, nous mangeons des fruits assez spéciaux comme par
exemple des caramboles, qui sont des fruits d'une couleur jaune-vert
en forme d'étoiles allongées et ayant le goût et
la consistance d'une pomme. Nous restons longtemps à la plage
du Diamant, où il y a d'énormes vagues. Cette plage est
vraiment superbe ; les arbres cocotiers la bordent d'un bout à
l'autre, le sable y est gris clair, presque blanc, et il y a une
superbe vue sur le rocher du Diamant, dont le nom et la forme font
allusion au passé flibustier de cette île de rêve.
Nous déjeunons de petites bananes succulentes, de
clémentines, de concombre, de petites mangues, de pain et de
saucisson. Après cette baignade, nous
allons à pied dans la forêt vierge de Montravail
(circuit botanique) sur une petite route (il y a là des
fougères arborescentes, des manguiers, des mimosas, des
bambous gigantesques, des orchidées, des papillons, des
lézards verts, des crabes rouges...). Retournés
à l'hôtel, nous goûtons au bar-restaurant de
l'hôtel à l'invitation de Papa et Maman. Nous sommes
évidemment très contents. Je mange un yaourt et un
chausson aux pommes. Étienne et moi allons ensuite à la
piscine pour nous rafraîchir et pour nous débarrasser du
sel. Nous finissons pas aller dîner.
On nous sert de la soupe de pêcheur, du poulet Colombo avec des
pommes de terre et une banane cuite. Nous allons nous coucher dans nos
bungalows respectifs. Nous (les enfants) avons un bananier couvert de
petites bananes vertes devant notre porte. Je suis très
content de cette première journée passée sur
l'île et je me mets à écrire le récit des
événements de la journée pour ne pas en
oublier. Maman a remarqué que le bleu de
la mer était changeant et très profond. Le matin au
réveil, tons pastels sous les nuages rosés, à
midi, bleu turquoise sombre - avec parfois des fonds verts. Les
maisons sont en bois coloré et sur la route, les gens que nous
rencontrons sont très typiques (chapeau " planteur ", machette
et grand short). Les acras de morue que nous mangeons en
nous arrêtant quelquefois sur le bord de la route sont
succulents. Une fois notre petit déjeuner et
notre baignade pris, nous relouons la R5. Avec celle-ci, nous allons
à Fort-de-France, la "capitale" de la Martinique. Ici, il y a
de nombreuses ruelles, étroites, très vivantes.
Nous continuons notre trajet pour nous
arrêter au-dessus de SaintPierre de Martinique. Endroit
nommé : "les Cantons Suisses " Dans un paysage superbe, nous
observons des chèvres, des colibris, des poules, des
zébus et des goyaviers parmi les montagnes vertes de
végétation. Quand nous partons, nous apercevons une
mangouste. Nous descendons ensuite à Saint-Pierre pour manger.
Après cela, nous allons nous baigner sur une plage de l'anse
de Céron, plage de sable noir où il y a des crabes
violonistes (petits crabes rouges qui courent les deux pinces en
l'air et en ayant une beaucoup plus grosse que l'autre), des
gigantesques rouleaux et une belle vue sur la Dominique, qui est une
autre île des Antilles, mais anglaise. J'ai vraiment la
sensation d'être dans un monde qui n'est pas celui de mon
enfance (qui du reste n'est pas encore lointaine). Nous montons ensuite dans la
forêt vierge, où nous voyons des fromagers, des
balisiers, des acajous, d'énonnes bambous, sur lesquels se
perchent quelques mygales... Il y a aussi de superbes points de vue
entre les fleurs tropicales de toutes les couleurs. De petits
lézards verts se promènent sur les arbres. Nous voyons
aussi des fruits comme des prunes, qui ne sont autres que des
maracudjas jaune d'or. Nous pressons nos parents de retourner
à la voiture pour que l'on puisse se baigner de nouveau. Il
faut bien dire que ces mygales qui se promènent au-dessus de
nos têtes ne sont pas faites pour nous rassurer. De retour
à la voiture, nous mangeons d'énormes avocats, qui, je
trouve, n'ont pas beaucoup de goût, et de minuscules bananes
vraiment délicieuses. Après nous être de nouveau
baignés, nous redescendons pour aller visiter le musée
de Saint-Pierre, qui était fermé la première
fois que nous y étions passés. Nous finissons ensuite notre
journée à l'hôtel et assistons à un
superbe coucher de soleil. Notre deuxième journée
passée sur ce paradis de végétation m'a
enchanté. Ce matin, nous prenons notre petit
déjeuner après nous être baignés dans la
piscine. Nous allons en bateau à Fort-de-France. Dans les
ruelles de la ville, il y a de superbes étalages de fruits, de
fleurs, d'épices dégageant un parfum assez fort. Nous y
achetons un rouleau de cacao, du curry, et des noix de muscade.
Après nous être promenés dans la ville,
j'achète un bateau en bouteille et un T-shirt. Nous nous baignons ensuite dans un
océan Atlantique où il n'y a pas de fond (ou
plutôt où le fond est à une quarantaine de
centimètres de la surface) et cela s'appelle donc les
Fonds-Blancs du Vauclin. L'eau y est très chaude car le soleil
la chauffe sur une faible profondeur et sur une très grande
étendue. Nous allons nous restaurer dans un bar qui se situe
sur cette petite plage déserte. Je mange un très bon
sandwich beurregruyère (comme quoi il existe aussi des
plaisirs simples chez les enfants). Après ce repas frugal,
nous nous baignons de nouveau. Nous reprenons la voiture pour aller
au Vauclin, montagne qui se révèle
désagréable et boueuse mais dont le point de vue est
assez pittoresque. Le chemin est tracé dans de la glaise
rouge, il est bordé de végétaux épineux
ou urticants. Le Vauclin est un ancien volcan. Pour couronner le
tout, Étienne se fait mordre par une grosse fourmi. Nous
revenons à l'hôtel avec des vêtements plus que
sales. Nous allons nous baigner dans la
piscine avec Étienne avant d'aller déjeuner. Nous
partons en voiture pour aller voir le château Dubuc. Ce
château est une ancienne demeure coloniale. On peut voir les
ruines des "appartements" des esclaves, celles des réserves et
installations pour traiter la canne à sucre. Il se situe
au-dessus d'une petite crique, au milieu d'une grande étendue
de gazon. Nous arrivons dans un village où
nous passons voir le cimetière où tout le monde
s'affaire à nettoyer et à fleurir des tombes bien
blanches. Nous nous engageons sur un chemin qui va vers la
presqu'île de la Caravelle (2 heures 25 minutes) ; c'est un
superbe chemin bordé de caféiers. Les vues sont
superbes et nous nous amusons à faire se refermer les feuilles
des Mimosa pudica,
mais, en sueur, nous nous
arrêtons et nous faisons demi-tour un quart d'heure
après. Ensuite nous nous baignons à l'anse de
l'Étang, qui est une très belle plage bordée de
cocotiers. Nous nous mettons à la recherche
d'un restaurant, que nous trouvons au bout de longues minutes. Nous y
mangeons des crudités avec des acras et des tartelettes au
lambi, du sauté de cabri, de la fricassée de coq et du
poisson grillé avec des gratins de papaye et de christophine,
et en dessert, nous pouvons manger des glaces à la noix de
coco, à la goyave et au maracudja. Nous allons ensuite voir une
bananeraie. Les bananiers y sont plantés en rangs
serrés, les cultivateurs leur posent des sacs poubelle dessus
pour que les insectes et autres amateurs de bananes ne les
abîment pas. Puis nous allons à La Trinité. Les
villages que nous traversons sous un ciel noir et apocalyptique
"nous" font penser à la Nouvelle-Orléans. Ces villages
sont très pittoresques ; ce sont de petites maisons blanches
avec un petit jardin vert devant elles où poussent un ou deux
bananiers. Sous ce ciel, cela fait un superbe contraste. En rentrant aux Trois-Îlets, nous
passons devant une église pleine de monde et dans le petit
cimetière s'allument de nombreuses petites lampes qui
illuminent faiblement les croix blanches. Ce matin-là, nous nous baignons
dans la piscine et dans la mer sur "notre" plage avant de prendre
notre petit déjeuner ; après cela, nous allons au
jardin botanique de Balata. Ce jardin est plein de fleurs tropicales
et d'arbres que nous n'avions jamais vus auparavant. Nous
découvrons plusieurs espèces : des gingers rouges, des
roses de porcelaine, des arums, des balisiers, des ananacées,
des anthuriums et aussi des oiseaux-mouches, différentes
sortes de palmiers, des arbres du voyageur avec des fruits (ces
plantes sont de la même famille, ce sont des aracées),
des palmiers, des philodendrons, des bégonias, des hibuscus en
fleurs qui sont énormes... Nous nous promenons dans un
arboretum où nous voyons plein d'arbres du pays comme
châtaigniers, pains d'épice, lauriers gombo, lauriers
isabelle, gommiers blancs, bois d'Inde, bois canon... Nous allons
ensuite sur un chemin nommé ironiquement "Sur la trace des
jésuites", où nous prenons notre déjeuner panni
les bambous, balisiers, fougères arborescentes. Quand nous passons à
Fort-de-France, la ville est complètement au repos. Nous y
achetons toutefois des poteries et nous nous promenons dans les
quartiers chics de la ville. Nous montons un peu plus tard sur la
montagne Pelée, nous y ramassons nombre de pierres volcaniques
de couleurs variant du rouge au noir en passant par le bleu et le
rose ; la végétation y est serrée mais de petite
taille et il n'y en a qu'en bas, le sommet de la montagne
étant un vrai désert. Nous nous achetons des boissons puis
allons nous baigner. Arrivés à l'hôtel,
nous rentrons (Etienne et moi) dans l'eau chaude de la piscine. Au
dîner, nous mangeons des acras de morue, de la fricassée
d'écrevisse, des fruits de l'arbre à pain cuits au
beurre (cela a tout à fait le goût des pommes de terre
à l'eau) et de la crème au chocolat qui, elle, n'est
pas très bonne. Ce matin se passe comme les autres, je
ne m'appesantirai donc pas làdessus. Nous allons nous baigner à la
plage de la pointe Macré, qui se trouve du côté
atlantique. La végétation y est très
différente du reste de l'île : il y a des cactus en
forme de cierges et de raquettes. Un peu plus loin, nous trouvons une
plage tachetée d'oursins noirs, bruns, et de superbes et
énonnes coquillages nommés lambis (ce sont des
coquillages qui peuvent être rouges, roses, oranges ou
même jaune d'or à l'intérieur). Nous nous rendons
ensuite dans la zone de pétrification. Nous y voyons des
restes d'arbres pétrifiés. Nous rapportons de belles
pierres. Nous nous rendons ensuite à la
célèbre plage des Salines où nous ne voyons pas
grand monde. C'est une plage de rêve. La mer est turquoise, le
ciel est bleu, les palmiers remplis de noix de coco bordent la plage
de sable blanc et l'eau y est chaude. Nous nous arrêtons à
Sainte-Luce pour nous rafraîchir sur la terrasse d'un bar. Papa
en profite pour prendre la recette du ti-punch (ou punch blanc) qui
se trouve à la fin de ce récit. Nous passons notre dernier jour en
Martinique. On dirait qu'il va pleuvoir. Il semble que nous ayons
bien choisi le jour de notre départ. Nous votons pour choisir
l'endroit où nous voulons nous rendre. Nous choisissons
à l'unanimité la plage du Diamant. Alors que nous
partons, il se met à tomber des hallebardes. C'est une pluie
comme les habitants de la Martinique doivent en voir souvent.
Quand nous arrivons, le ciel, qui
s'était auparavant dégagé, se recouvre.
Nous nous baignons dans d'énormes rouleaux quand nous sentons
une pluie fine, tiède, qui nous oblige à quitter la
plage alors que nous venions de réussir (après maints
efforts) à ouvrir une noix de coco. Nous nous dirigeons
ensuite vers Sainte-Luce pour déjeuner "créole". Nous
trouvons rapidement et mangeons à notre faim. Maman remarque que les gens d'ici
conduisent rapidement et d'une drôle de façon.
Nous finissons par nous rendre à
l'aéroport pour repartir vers Paris. Romain
CABANE. On remplit le verre de rhum blanc (La
Mauny 50°), on met une cuillerée de sucre roux et un
zeste de citron vert, on mélange un peu et on boit cul-sec. Au
préalable, on aura repéré la fontaine la plus
proche et on se précipitera dessus dès que le verre
sera vide. In La gazette de l'île Barbe n° 36 Printemps
1999