Pour tenir ce nouvel emploi, il faut
que je me forme. Qu’à cela ne tienne ! Me voilà en
formation pour onze semaines sur Aix-les-Bains et Chambéry
(deux semaines en mars, quatre semaines en avril, une semaine en mai
et quatre semaines en juin). N’est-ce pas un joli endroit pour passer
le printemps ? Bref ! Cette formation est surtout
fondée sur le domaine technique de la traction : – comment fonctionne une locomotive
; – comment tourne un
établissement " traction " ; – comment monter un roulement d’agents
ou bien d’engins moteurs, etc. Mais le meilleur était la toute
première semaine, où j’ai suivi un conducteur pendant
cinq jours entiers sur son roulement. Voici en quelques mots cette
formidable semaine. Prise de service à 11 heures 30
à Vénissieux pour faire un train de voyageurs (TER). Un
aller-retour sur Saint-André-le-Gaz. Prise de service à 6 heures 20
à Lyon-Perrache. Même chose que la veille. Les deux premières
journées : super ! Juste pour se mettre en bouche !
Là, ça commence à
se corser. Prise de service à 1 heure du matin à
Vénissieux pour faire un train de marchandises (un
" patache " dans notre jargon) sur Chambéry.
Après avoir récupéré notre machine
garée à Sibelin, attelé les wagons, nous
voilà partis, vitesse limitée à 100 km/h.
Vers Montluel, Serge, mon
collègue conducteur, me dit : " Tu veux conduire ? "
Moi, un peu étonné mais sans trop d’hésitation :
" Ben… si tu veux ! " Et me voilà sur le
siège du conducteur, " tractionnant " un train de
plus de 700 tonnes à 100 km/h. Quelle n’était pas ma
fierté ! Un rêve de gosse enfin réalisé –
conduire un
train. Pendant un moment, je me
suis pris pour " Robert ", vous savez, le grand copain de
Jean-Roch ! Enfin, Serge était quand même à
côté de moi pour me guider, me dire quand il fallait
freiner, klaxonner, " tractionner " et diverses
manipulations à faire pendant la conduite. Et ce,
jusqu’à Chambéry, où nous sommes arrivés
vers 8 heures. Je peux vous promettre que cette nuit-là, je
n’ai pas eu sommeil ! À Chambéry, nous avons
pris une chambre au foyer des conducteurs pour nous reposer un peu,
car nous repartons sur un autre " patache " à 21
heures. Et là, rebelotte. Chambéry-Sibelin au
" volant " d’une BB 26000 (c’est une locomotive). Fin de
service à 2 heures du matin (NDLA : j’ai essayé de ne
pas réveiller Fabienne en me couchant
délicatement). Prise de service à 17 heures 30
à Vénissieux pour un nouveau " patache ",
direction Culmont-Chalindrey. Départ à 20 heures de
Sibelin, arrivée à Chalindrey à 0 heure 30. J’ai
conduit dans les temps. Je suis content de moi, à part sur un
carré (feu rouge), où j’ai freiné un peu fort et
je me suis arrêté à environ 200 m du feu au lieu
de m’arrêter juste devant. Enfin, Serge m’a dit que c’est en
forgeant que l’on devient forgeron ! Qu’a-t-il voulu dire par
là ? (Je plaisante, j’ai compris…) Après une bonne nuit à
Chalindrey (c’est vraiment la cambrousse là-bas), nous sommes
redescendus, toujours en " marchandises ", départ
à 13 heures 45, arrivée à
Lyon-Guillotière à 19 heures. Le soleil était au
rendez-vous et c’était super-agréable de conduire de
jour après trois trains de nuit. Voilà un peu comment s’est
passée ma première semaine de formation. Et surtout, un
grand merci à Serge pour m’avoir passé les commandes
! Guy Bellenoue. Dis-moi, n°8, été 2001.
In La gazette de l'île Barbe n° 46