Rêve de gosse

 

Comme tous le savent, ou presque tous, après mes déboires de santé [cf. la Gazette de l’île Barbe, n° 38, p. 17], j’ai enfin repris le travail. Mais cette fois dans un nouvel emploi, qui a plus trait à la " traction " (c’est-à-dire à tout ce qui touche à la circulation des trains).

Pour tenir ce nouvel emploi, il faut que je me forme. Qu’à cela ne tienne ! Me voilà en formation pour onze semaines sur Aix-les-Bains et Chambéry (deux semaines en mars, quatre semaines en avril, une semaine en mai et quatre semaines en juin). N’est-ce pas un joli endroit pour passer le printemps ?

Bref ! Cette formation est surtout fondée sur le domaine technique de la traction :

– comment fonctionne une locomotive ;

– comment tourne un établissement " traction " ;

– comment monter un roulement d’agents ou bien d’engins moteurs, etc.

Mais le meilleur était la toute première semaine, où j’ai suivi un conducteur pendant cinq jours entiers sur son roulement. Voici en quelques mots cette formidable semaine.

Lundi

Prise de service à 11 heures 30 à Vénissieux pour faire un train de voyageurs (TER). Un aller-retour sur Saint-André-le-Gaz.

Mardi

Prise de service à 6 heures 20 à Lyon-Perrache. Même chose que la veille.

Les deux premières journées : super ! Juste pour se mettre en bouche !

Mercredi

Là, ça commence à se corser. Prise de service à 1 heure du matin à Vénissieux pour faire un train de marchandises (un " patache " dans notre jargon) sur Chambéry. Après avoir récupéré notre machine garée à Sibelin, attelé les wagons, nous voilà partis, vitesse limitée à 100 km/h.

Vers Montluel, Serge, mon collègue conducteur, me dit : " Tu veux conduire ? " Moi, un peu étonné mais sans trop d’hésitation : " Ben… si tu veux ! " Et me voilà sur le siège du conducteur, " tractionnant " un train de plus de 700 tonnes à 100 km/h. Quelle n’était pas ma fierté ! Un rêve de gosse enfin réalisé – conduire un train. Pendant un moment, je me suis pris pour " Robert ", vous savez, le grand copain de Jean-Roch ! Enfin, Serge était quand même à côté de moi pour me guider, me dire quand il fallait freiner, klaxonner, " tractionner " et diverses manipulations à faire pendant la conduite. Et ce, jusqu’à Chambéry, où nous sommes arrivés vers 8 heures. Je peux vous promettre que cette nuit-là, je n’ai pas eu sommeil !

À Chambéry, nous avons pris une chambre au foyer des conducteurs pour nous reposer un peu, car nous repartons sur un autre " patache " à 21 heures. Et là, rebelotte. Chambéry-Sibelin au " volant " d’une BB 26000 (c’est une locomotive). Fin de service à 2 heures du matin (NDLA : j’ai essayé de ne pas réveiller Fabienne en me couchant délicatement).

Jeudi

Prise de service à 17 heures 30 à Vénissieux pour un nouveau " patache ", direction Culmont-Chalindrey. Départ à 20 heures de Sibelin, arrivée à Chalindrey à 0 heure 30. J’ai conduit dans les temps. Je suis content de moi, à part sur un carré (feu rouge), où j’ai freiné un peu fort et je me suis arrêté à environ 200 m du feu au lieu de m’arrêter juste devant. Enfin, Serge m’a dit que c’est en forgeant que l’on devient forgeron ! Qu’a-t-il voulu dire par là ? (Je plaisante, j’ai compris…)

Vendredi

Après une bonne nuit à Chalindrey (c’est vraiment la cambrousse là-bas), nous sommes redescendus, toujours en " marchandises ", départ à 13 heures 45, arrivée à Lyon-Guillotière à 19 heures. Le soleil était au rendez-vous et c’était super-agréable de conduire de jour après trois trains de nuit.

Voilà un peu comment s’est passée ma première semaine de formation. Et surtout, un grand merci à Serge pour m’avoir passé les commandes !

Guy Bellenoue.

Dis-moi, n°8, été 2001.

In La gazette de l'île Barbe n° 46 

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