Joseph Jaillard

Lyon Ier, 14 avril 1857 – Melun, 4 novembre 1913

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Le cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Vincent d’Indy a donné l’occasion de rappeler que lui et notre bisaïeul Joseph Jaillard cousinaient volontiers devant un piano (la Gazette de l’île Barbe, n° 44, p. 4). Ce rappel comprenait cependant deux erreurs :

– une erreur exprimée : le piano sur lequel ils jouaient ensemble se trouvait moins souvent à Lyon qu’à Valence, où Joseph Jaillard a longtemps été en garnison au 6e régiment d’artillerie (1877-1878, 1882-1891, 1893-1896) ;

– une erreur suggérée : ils le faisaient bien avant que Joseph Jaillard ne connaisse celle par qui ils allaient devenir cousins à la mode de Bretagne par alliance, le père de celle-ci et celui de Vincent d’Indy étant cousins hermets de germains.

Diverses sources permettent en outre de compléter le portrait esquissé par sa fille Louise [Lison] de Raucourt (" Souvenirs ! Souvenirs ! ", in la Gazette de l’île Barbe, n° 43, p. 8-16, et n° 44, p. 6-14) et par diverses publications de la Gazette de l’île Barbe, ici rappelées.

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[Note sur mon père]

Joseph Jaillard tint garnison à Lyon, Valence, Clermont-Ferrand, Angoulême. Brimé comme bien d’autres pour ses opinions religieuses sous les ministères anticléricaux du début du siècle, il termina sa carrière comme chef d’escadron. Bon musicien, il réunit dans toutes ses garnisons un orchestre de chambre et était aussi amateur d’orgue. Il périt dans la catastrophe ferroviaire de Melun avec son fils Charles entrant à l’École militaire de Saint-Cyr.

Henri Jaillard.

Les Familles Jaillard et Neyrat, Caluire-et-Cuire, 1965, note 16, p. 52.

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Un officier et un musicien

Officier d’artillerie de son activité principale, notre bisaïeul Joseph Jaillard avait pourtant fini par quitter cette carrière, alors qu’il ne perdit jamais son inclination pour la musique. Cette dernière activité, multiforme et parfois anonyme, est aujourd’hui méconnue de ses descendants, mais un fonds d’archives conservé par André Jaillard permet de la reconstituer.

Joseph peut avoir pris goût à la musique auprès de son oncle Stanislas Neyrat, dont il était assez proche pour l’accompagner en voyage dès sa jeunesse, et qui était un grand musicien, maître de chapelle, organiste et compositeur (cf. Pierre Jaillard, " voyages de Monseigneur Neyrat ", in la Gazette de l’île Barbe, n° 24, p.15-16). Sans doute composa-t-il lui-même : il conservait un programme de concert manuscrit du 28 avril 1876, peu après son 19e anniversaire, annonçant une romance pour flûte et des rhapsodies pour piano attribuées à " J.J. ", alors que les autres compositeurs sont explicitement cités… Il jouait en tout cas assez bien du piano et de l’orgue pour se produire en concert avec les exécutants qu’il réunissait dans chacune de ses garnisons, et pour être nommé organiste titulaire d’églises de villes où il séjournait.

Premier mariage et premiers concerts à Valence

Engagé conditionnel pour un an, à 20 ans (2 novembre 1877, Lyon IIe), comme cannonier de 2e classe, il passa son année conditionnelle au 6e régiment d’artillerie à Valence, et fut mis un an plus tard à la disposition de l’armée active (8 novembre 1878), affecté au 38e régiment d’artillerie de Lyon (28 novembre 1878), et promu brigadier (30 novembre 1878). Habitant 1, rue Vaubecour à Lyon, il était alors qualifié d’étudiant et de catholique, et décrit physiquement ainsi : " cheveux et sourcils châtain foncé, yeux châtains, front étroit, nez moyen, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, taille : 1,76 m. " Il resta trois ans et trois mois en garnison à Lyon, pendant lesquels il fut promu maréchal des logis (26 avril 1879), grade dans lequel il exerça quelques mois les fonctions de fourrier (15 août 1879 – 9 janvier 1880).

Joseph Jaillard retourna ensuite au 6e régiment d’artillerie à Valence pour y prendre ses premiers galons d’officier, comme sous-lieutenant (5 février 1882), puis comme lieutenant en second (5 février 1884) et comme lieutenant en premier (15 août 1886). Il y resta neuf ans.

Ce fut pendant cette période que, à 26 ans, il épousa Louise Laprade, âgée de 21 ans, et qu’il la perdit en couches trois ans après. Fille unique de feu M. Laprade (mort en 1871, alors qu’elle avait 8 à 9 ans) et de Mme Laprade née Bonnet, " d’excellente réputation ", Louise vivait chez sa mère, 7, place Perrache à Lyon, bien que la famille fût originaire d’Ambérieu-en-Bugey. Dotée de
80 000 F (dont 10 000 F de trousseau et 70 000 F de valeurs mobilières), elle pouvait en outre espérer 220 000 F d’héritage. L’enquête militaire sur elle lui attribue une " conduite irréprochable, [une] éducation parfaite. " Un contrat de mariage fut passé le 7 octobre 1883 devant maîtres Vicaire, notaire à Ambérieu-en-Bugey, et Berloty, notaire à Lyon. Autorisé par le ministre le 24 novembre 1883, le mariage fut célébré le 27 novembre 1883 à Lyon.

Ce fut sans doute aussi en préparant des concerts à Valence qu’il se lia d’amitié avec Vincent d’Indy, Cévenol de six ans son aîné. Le 25 mai 1883 en effet (ils avaient 26 et 32 ans), ils se produisaient au théâtre de Valence pour le Cercle de l’Union, Joseph à l’orgue et Vincent au piano, et ensemble pour deux des dix-sept morceaux au programme : la sérénade pour piano, flûte, violon, violoncelle et orgue de Charles-Marie Widor, et une transcription pour piano, orgue, violon et violoncelle du menuet de la symphonie en de Joseph Haydn.

Ces deux morceaux se retrouvèrent au programme d’un concert privé, organisé bénévolement par un groupe d’amateurs parmi lesquels il est difficile de ne pas imaginer Joseph Jaillard bien qu’il fût alors en garnison à Valence, le 29 avril 1885 à la salle philharmonique de Lyon (30, quai Saint-Antoine), au profit de l’enseignement du chant, du plain-chant et de la musique dans les écoles catholiques de Lyon, dont certains frais accessoires étaient en dehors du budget général. Cette soirée obtint un succès suffisant pour financer ces dépenses pendant toute une année scolaire. La presse locale remarqua notamment " une barcarolle d’un jeune compositeur lyonnais, M. Gabriel Fabre ", et la sérénade de Saint-Saëns, qui fut redemandée dans un nouveau concert donné le 5 février 1886 par " la même réunion artistique " et pour la même cause.

Veuvage et organisation de concerts

Mais Louise mourut en couches le 1er décembre 1886, sans laisser aucun enfant. Joseph en resta longtemps inconsolé. En 1889 et 1890, il repoussait comme importuns des projets de remariage présentés par son père. Plus tard, finalement remarié, il conserva des relations affectueuses avec sa première belle-mère, " bonne-maman Laprade ", qui accueillait à Ambérieu-en-Bugey sa nouvelle famille en vacances.

Il consacra alors ses loisirs d’officier à l’organisation de concerts. La sérénade de Saint-Saëns, jouée en 1885 à Lyon, se retrouva au programme du Cercle musical et artistique de Valence le dimanche 8 mai 1887. Ce Cercle donna d’autres concerts le 20 décembre 1887 au théâtre, le 7 février 1888 à l’hôtel de la Croix-d’Or, le 3 mars 1888 dans les salons du Cercle… Le 24 avril 1888, il donna au théâtre un " concert gastronomique de fin d’année offert par la fanfare de la Casserole de Valence et la société philharmonique "la Poule nantaise", avec le bienveillant concours de Mme Petite-Marmite, de MM. Jaillard et Delorme, et de plusieurs artistes distingués ". Joseph Jaillard participait avec Mme Couchon à l’exécution d’un arrangement pour piano à quatre mains des Saisons (Été, Automne) de Joseph Haydn.

À la création de la Société de musique classique de Valence, en 1889, Vincent d’Indy avait acquis sa renommée de compositeur, notamment depuis sa Symphonie sur un chant montagnard français de 1886. Il dirigeait auprès de César Franck la Société nationale de musique, ainsi présentée dans un programme de la Société de Valence du 9 novembre 1890 : " Fondée en 1871 par MM. Saint-Saëns et Romain Bussière pour favoriser le développement de la musique française et permettre aux jeunes compositeurs de faire entendre leurs œuvres, la Société nationale a vu se grouper auprès d’elle bien des célébrités : MM. Lalo, G. Bizet, A. de Castillon, G. Fauré, H. Duparc, E. Chabrier, V. d’Indy et tant d’autres habilement dirigés par C. Franck. "Là, C. Franck est dieu et V. d’Indy est son prophète" a écrit un critique, peu bienveillant peut-être, mais qui certainement ne croyait pas si bien dire, tant il est difficile d’exprimer autrement la respectueuse et sincère amitié qui lie à l’autre le plus jeune de ces maîtres. Cette vaillante Société a donné depuis sa fondation plus de sept cents premières auditions françaises, et elle pourrait citer avec orgueil nombre d’œuvres qui, bien avant de triompher devant le public des grands concerts, avaient été exécutées pour la première fois dans ses séances intimes. "

Le 16 mars 1889, Joseph alla à Paris, salle Pleyel, Wolff et Cie (22, rue Rochechouart), assister à un concert donné par cette Société nationale et conclu par le trio pour piano, clarinette et violoncelle de Vincent d’Indy, interprété avec le concours de l’auteur — et aussi, à cette occasion, à un concert de la Société des concerts du Conservatoire national de musique de Paris, le lendemain 17 mars, grande salle des concerts (2, rue du Conservatoire).

Si la Société nationale soutenait la création, la Société de musique classique de Valence avait pour " but, uniquement artistique, de faire entendre les œuvres de maîtres anciens trop oubliés et de modernes trop inconnus. Sans aucune prétention au point de vue de l’exécution, ne cherchant qu’à faire applaudir l’auteur de l’œuvre ainsi présentée au public, les organisateurs de ces auditions [avaient] l’intention de les continuer en mettant dans les programmes une progression qui intéresse en initiant autant que possible à l’histoire de la littérature musicale. " Leurs programmes comprenaient donc des présentations historiques, mais aussi, suivant l’usage anglais introduit en France vers 1887 par la Société des concerts du Conservatoire de Paris, des analyses des œuvres.

Créée le 14 avril 1889, la Société de Valence s’honora de recevoir Vincent d’Indy pour les deux derniers concerts de cette saison, les 29 et 30 juin 1889, présentant chronologiquement " les grands noms de l’histoire de la musique ", articulés autour de Beethoven et parmi lesquels il figurait lui-même avec deux morceaux. Il revint le 17 novembre 1889, profitant de ce concert pour créer deux pièces extraites des Tableaux de voyage, puis le 25 juillet 1890, au piano, pour un concert autour des trois manières de Beethoven, et le 9 novembre 1890, pour un concert de musique française moderne, où " [sa] présence a fait pencher la balance du côté de l’école Franck. " La Société de Valence donna ainsi neuf " auditions de vraie musique " en 1889 et huit en 1890. " Organisés suivant un certain plan, ces concerts sont cependant loin de constituer un tout ; ils présentent bien plutôt le cadre d’un projet seulement ébauché. " La carrière militaire de Joseph le contraignit alors à laisser poursuivre ce projet par d’autres, parmi lesquels son ami M. Casagrande, avec qui il continua longtemps à se retrouver pour " musiquer ".

Éloignement et critique musicale

Cinq ans après son veuvage, sa carrière l’éloigna en effet quelques mois de la vallée du Rhône. Nommé capitaine en second, il occupa ce grade comme adjoint à l’atelier de construction du 10e régiment d’artillerie à Rennes (27 février 1891), puis au 2e régiment d’artillerie à Clermont-Ferrand (division de Lyon, 13 juillet 1891), au 16e régiment d’artillerie (4 octobre 1891) et au 19e régiment d’artillerie (3 août 1893).

Sans doute enhardi par sa participation à la rédaction des programmes de la Société de musique classique de Valence, il venait de se proposer comme correspondant lyonnais du Guide musical, Revue internationale des théâtres et de la musique, édité à Bruxelles, sous réserve d’un anonymat garanti par le pseudonyme " J.B. " Le directeur et depuis peu seul propriétaire, Maurice Kufferath, l’agréa le 28 février 1891, " certain que [leurs] idées et [leurs] sentiments concordent sur bien des points et qu’en ce qui concerne la jeune école française, si vivace et si active, [Joseph partage] l’admiration que [lui-même] éprouve pour elle. "

Joseph admirait en effet la musique française moderne, alors prédominante et dont Vincent d’Indy était un des meilleurs guides, comme en témoigne sa correspondance avec lui, mais plus encore Jean-Philippe Rameau, Jean-Sébastien Bach, Ludwig Van Beethoven, Richard Wagner, Niels Gade, seuls personnages historiques cités dans son éphéméride de 1896 avec Jeanne d’Arc. En 1889 à Bayreuth, il avait assisté avec ses amis valentinois M. Bergane et Jean de la Laurencie (devenu gendre de Vincent d’Indy en 1896) à Tristan et Isolde le 5 août, aux Maîtres chanteurs de Nuremberg le 7 et à Parsifal le 8, dirigés par Hans Richter.

En mars 1892, le compte rendu d’un concert de la Société des concerts du conservatoire de Lyon indigna le chef d’orchestre, M. Luigini, qui adressa au Guide musical une longue lettre, " un peu diffuse " et très polémique, excipant des " traditions de la Société des concerts du Conservatoire de Paris " pour humilier un critique supposé " jeune, peut-être même très jeune, professant le culte de la musique, bien doué probablement, mais [se] laissant aller au grave défaut de la jeunesse qui consiste à n’admettre comme traditions que celles qu’elle se met en tête en exécutant au piano, tant bien que mal, les œuvres des grands maîtres. " Âgé de presque 35 ans mais toujours anonyme, Joseph répondit diplomatiquement que, " persuadé que la critique qui loue sans restriction est de peu de poids auprès d’un homme de valeur, [il avait] franchement indiqué les imperfections signalées par quelques auditeurs, transcrivant ainsi, non pas une opinion personnelle, mais bien celle de véritables artistes, et non des moins autorisés. " Il ajouta cependant à l’intention de son directeur, qui ne paraissait pourtant pas en douter : " Soyez bien persuadé que je ne vous transmets jamais de critiques sans avoir pris l’avis de personnes fort compétentes. Dans le cas présent, j’ai été cent fois au-dessous de la vérité. Si vous aviez été là !!! – Il faut cependant qu’un bulletin de critique ne soit pas simplement une machine à couvrir de fleurs, comme le sont un peu trop ceux de la presse locale, qui ne connaît que les épithètes : admirable, merveilleux, parfait… Je crois que tout le monde doit y gagner. "

Quelques années plus tard, en 1896, au sujet d’un colonel violoncelliste qui " [voulait] faire de la musique " avec lui, il estimait : il " doit aimer les traits bien faits. Moi pas. "

Une nouvelle famille et une carrière à mener

Entre-temps, en trois mois de 1893, Joseph avait fondé une nouvelle famille, qui prenait désormais l’essentiel de ses loisirs. À 36 ans, il était de retour à Lyon, comme adjoint à la direction d’artillerie, habitant 9, rue Boissac, dans le IIe. Le 20 mai, chez Mme Perret, place Bellecour, on lui avait enfin présenté une jeune femme avec qui ils s’étaient plu : Constance Goybet, âgée de 30 ans ; elle avait été fiancée à un cousin issu de germains, Charles Goybet, mort cinq ans auparavant (cf. Constance Jaillard-Goybet, Mes Souvenirs, in la Gazette de l’île Barbe, n° spécial, 1993). Le père de Constance et celui de Vincent d’Indy étaient cousins hermets de germains, mais probablement l’ignoraient-ils. Avec l’autorisation du général commandant le 14e corps d’armée (5 juillet), ils passèrent un contrat de mariage le 9 août devant maîtres Berloty et Lombard-Morel, notaires à Lyon, et se marièrent le 10 août à Lyon IIe. Après un voyage de noces du 10 au 31 août en Bretagne, ils s’installèrent quai d’Occident (actuellement quai du Maréchal-Joffre, Lyon IIe).

Dès le 26 décembre de cette même année, Joseph retourna au 6e régiment d’artillerie, toujours comme capitaine en second. Ses deux fils aînés naquirent cependant à Lyon en 1894 et en 1895.

Du début de 1896 à sa mort, Joseph tint sous forme d’éphéméride un journal que publiera la Gazette et qui raconte ces dix-sept dernières années mieux que nous ne saurions le faire.

Après presque trois ans de mariage, Joseph et sa famille déménagèrent à Clermont-Ferrand, lui étant nommé au 36e régiment d’artillerie, d’abord toujours capitaine en second (13 mai 1896), puis capitaine en premier (2 mars 1898) et capitaine en premier, adjoint-major (30 mars 1904). Ils y restèrent treize ans, au cours desquels naquirent leurs trois autres enfants, deux à Clermont-Ferrand et une à Yenne pendant les vacances chez les parents de Constance.

Mais leurs deux dernières années clermontoises furent assombries par une campagne de la presse locale anticléricale contre Joseph, notamment en raison de la résistance que lui et sa famille avaient opposée le 26 janvier 1907 à l’expulsion — ensuite jugée illégale — de l’école Massillon où étudiaient les enfants. De plus, Joseph travaillait l’orgue depuis mars 1897 avec M. Claussmann, organiste de la cathédrale de Clermont-Ferrand, il le remplaçait depuis juin 1897, et il jouait avec lui en duo, même après la décision ministérielle de 1899 interdisant aux officiers de se mettre en civil, qui l’amenait à se montrer en uniforme à la tribune.

Joseph fut donc soulagé d’être nommé au 21e régiment d’artillerie (28 août 1909) et d’emmener sa famille à Angoulême. De capitaine en premier, il y devint enfin chef d’escadron quelques mois après son arrivée (24 décembre 1909). Voici comment il était apprécié l’année suivante : " vue normale ; santé très bonne ; équitation : très bien ; très apte à faire campagne (…) ; réelle valeur, rempli de zèle, d’énergie, d’expérience et de bon sens ; cavalier brillant et vigoureux ; a dans le commandement du coup d’œil, du sang-froid, de la décision (…). Très bon commandant de groupe, intelligent, actif, ayant de l’initiative et du commandement ; ses batteries sont très bien instruites et entraînées. " (Octobre 1910.)

Chef d’escadron au 52e régiment d’artillerie (1er janvier 1911), il continua à inspirer des appréciations élogieuses à ses supérieurs : " intelligent, actif, instruit, très à la hauteur, commande très bien son groupe, obtient de très bons résultats. Caractère froid et pondéré. " (Colonel Meyer, avril 1911.) " Excellent officier. A très bien commandé son groupe aux écoles à feu et avec beaucoup d’entrain. (…) Commande parfaitement son groupe ; énergique, vigoureux, de beaucoup d’expérience et de bon sens, d’un beau caractère ; brillant cavalier. " (Général Fayolle, octobre 1911.)

Une retraite occupée par l’orgue d’église

Lorsque, le 24 juillet 1912, il demanda à faire valoir ses droits à une pension de retraite, son supérieur eut cette dernière appréciation : " Le commandant Jaillard quitte le service (8 août) en pleine vigueur, et en possession de tous ses moyens ; excellent chef de groupe, très apte à commander au groupe dans la réserve ; officier de premier ordre ayant conservé tous ses moyens intellectuels et physiques. " Admis à la retraite comme chef d’escadron (20 novembre 1912 ; décret du 21 juin 1910), il fut donc versé dans le cadre de réserve, au 5e régiment d’artillerie puisqu’il était revenu à Lyon (4 décembre 1912).

La lenteur de son avancement contrastait avec les appréciations de ses supérieurs. Elle s’expliquait par son engagement catholique dans une époque anticléricale, où la démission du ministre de la Guerre en 1904 mit fin à l’affaire des Fiches mais non à la discrimination religieuse. Dans ce contexte, jouer en uniforme à l’orgue de la cathédrale de Clermont-Ferrand ou être nommé organiste titulaire de Saint-Martial d’Angoulême constituaient des provocations que son commandement ne pouvait couvrir, quelles que fussent ses sympathies. Ainsi, en 1899, son colonel lui infligea " par ordre supérieur " quatre jours d’arrêts pour un accident survenu dans sa batterie, mais ne les lui notifia que la veille au soir du dernier jour…

Retraité à Lyon, Joseph finit aussi par accepter le 1er novembre 1912, " après plusieurs hésitations ", d’être nommé organiste titulaire de Saint-Augustin de la Croix-Rousse. Il continuait à monter tous les matins avant la messe, à jeun, souvent accompagné par sa nièce Jeanne Rousselon, à qui la faculté prescrivait ce sport contre l’anémie, et qui ne s’offensait guère de ses remontrances…

Il ne profita malheureusement de sa retraite qu’à peine un an, victime le 4 novembre 1913 de la catastrophe ferroviaire de la gare de Melun, avec son fils cadet, qu’il accompagnait à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, où il venait d’être admis (cf. Louise de Raucourt, " catastrophes ferroviaires en gare de Melun ", in la Gazette de l’île Barbe, n° 9, p.13).

Pierre Jaillard.

In La gazette de l'île Barbe n° 47 

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