Voyage en Équateur

19 août – 1er septembre 2002

µ

[Lundi 19 août 2002]

Le 19 août au soir, Henri m’amène à Grenoble, où je couche chez Étienne ainsi qu’Aliénor. Gros orage au moment de se coucher. Vers 23 heures, pompiers ! Inondation chez le voisin. Bruits de voix et de pompes jusqu’à 2 heures du matin. Lever à 4 h 15.

Mardi 20 août [2002]

Jérôme nous amène à Satolas. Arrivée : 6 h 15. Départ : 7 h 15. Roissy : 8 h 30.

Là, nous téléphonons et nous embarquons comme prévu à 10 h 50, mais nous ne décollons qu’à 12 h 30 ! Voyage long mais sans histoires. Étienne et Aliénor sont l’un à côté de l’autre et moi de l’autre côté de l’allée, près d’une jeune femme avec un enfant de cinq ans qui, pendant les deux heures d’attente dans l’avion, ne cesse de parler haut et fort, et sa mère répond aussi haut et fort, de sorte que, sans lui avoir dit un mot, je sais très vite qu’elle est née aux Antilles, qu’elle est juive, en instance de divorce d’avec un mari catholique, qu’elle va voir sa grand-mère à Carthagène (Colombie), etc. L’enfant fait marcher sa mère au maximum. J’en deviens " folle ". Le sommet, c’est lorsque la mère dit à son enfant : " Si tu lances ta chaussure sur la dame (moi), tu auras une fessée ! " Il fait céder sa mère à tout, et quand elle ne peut pas céder (exigence de la ceinture, par exemple), il déclare : " Bon ! Alors, je vais dormir ! " Ouf ! On sera tranquille un moment, car il s’endort effectivement.

Étonnée de voir qu’on a chacun son poste radio avec écouteur, sa télé personnelle avec des films ou des jeux, etc. Tout est fait pour passer le temps agréablement, car douze heures d’avion, c’est long. Il faut aussi dormir un peu !

Aperçu Bogotá lors de l’atterrissage. Fouille et refouille à Bogotá (il y a eu des attentats il y a quelques jours). Décollage avec une heure de retard. Beaucoup de nuages, mais je suis près d’un hublot et je peux voir les petits villages perdus dans la montagne, toujours de couleur marron, avec des champs bien carrés à proximité. En s’approchant de Quito, comme autour de Bogotá, on voit de grandes surfaces de serres pour la culture des fleurs.

Première impression de Quito : ville qui me fait penser à Casa[blanca] il y a vingt ans : on y est harcelé (moins qu’au Maroc) par tous ceux qui veulent gagner trois sous en imposant leurs services ; des rues encombrées de voitures et de piétons en tous sens, des fils électriques formant une vraie toile d’araignée au-dessus de nos têtes, des boutiques de même style qu’à Casa[blanca], sans vitrine ni porte, un concert de klaxons et de bruits de vieux moteurs, sans oublier les fumées noires qui sortent de tous les pots d’échappement.

Le quartier d’Étienne est agréable et l’appartement très confortable et bien entretenu par Verónica : salon, salle à manger, grande cuisine, puis, au bout d’un couloir, trois chambres avec deux salles de bains et une pièce centrale dont Étienne se sert comme bureau. La salle à manger donne sur une terrasse et ma chambre a accès à un petit jardin privatif très fleuri.

La journée a été longue : de 4 h 15 à 2 h 15 (heure française), soit vingt-deux heures, en ayant dormi une petite heure, mais on se couche peu de temps après l’arrivée, puisqu’il est 19 heures (heure locale).

Mercredi 21 août [2002]

Bonne nuit de 20 heures à 6 heures, avec une heure d’insomnie au milieu de la nuit. C’est le décollage d’un avion, passant juste au-dessus de nos têtes, qui m’a réveillée, car l’aéroport est dans la ville et les avions rasent les maisons à l’atterrissage comme au décollage. Nuit fraîche et agréable.

À 9 heures, nous faisons la connaissance de Verónica, charmante jeune fille de 22 ans, mais peu de communication avec elle car elle ne parle qu’espagnol. Elle reste quatre heures chaque matin et fait tout ce qu’il y a à faire dans une maison ; de plus, elle paie les factures, c’est-à-dire qu’elle fait la queue pour payer les factures, car il n’est pas possible de payer par courrier.

Après-midi du mercredi

Visite du Quito colonial. Il est situé au sud de la ville, avec la place de l’Indépendance comme centre. C’est le quartier historique, avec ses vieilles maisons, toutes habitées par des Équatoriens. On y trouve des églises aux façades ouvragées, des marchés, de petites places aux pavés mal ajustés, d’étroites ruelles encadrées par de blanches maisons coloniales…

Nous visitons trois églises : la cathédrale, place de l’Indépendance, qui n’a rien d’extraordinaire si ce n’est son plafond en bois, l’église de la Compagnie (de Jésus), du xviie siècle, époustouflante par ses dorures : colonnes, autels, retables, portes, tout a été passé à la feuille d’or, ce qui accentue l’aspect baroque.

Et l’église Saint-François. Nous sommes frappés par un saint représenté un peu partout, tant en statue qu’en tableau, mais toujours avec une tête de mort près de lui. Est-ce bien saint François d’Assise et pourquoi cette tête de mort ? Nous voyons passer un petit père franciscain et Étienne l’arrête pour lui demander l’explication. Il s’agit bien de saint François d’Assise, mais, alors que nous retenons surtout son amour pour la nature, et pour les animaux en particulier, les Équatoriens ont surtout retenu sa prédilection à méditer sur la mort… Le père franciscain nous quitte en nous disant qu’il espère bien qu’Aliénor sera plus tard " une petite bonne sœur ", ce qui n’a pas l’air de ravir Étienne !

Puis visite du cloître. Les billets sont vendus par des religieuses. Au-dessus de la caisse, on peut lire : " Si vous demandez l’impossible, vous l’aurez tout de suite… Pour le miracle, il faudra attendre un peu plus longtemps ! "

Beau cloître sur colonnes de pierre. Tombe de l’Indien Cantuna et de sa famille (1669). Le premier étage est en réfection. On ne peut monter.

Dans la chapelle, une statue de la Vierge avec des ailes, qui est l’original de celle de la colline du Panecillo, qui domine le quartier de Quito où est situé le couvent franciscain.

Dans le musée, belles peintures en bois polychrome, ancienne malle de transport dorée et polychrome, statues variées, chasubles du xviiie [siècle] avec fils d’or et d’argent.

En sortant, nous nous faisons cirer les chaussures par deux petits cireurs de 9 à 10 ans. Ils sont ravis. Nous les prenons en photo ! En sortant, nous pouvons admirer la Virgen du Panecillo, petit sommet qui est un ancien lieu de culte inca.

Verónica nous a préparé un repas bien " français " : salade de tomates et cannellonis. Je dis à Étienne que j’aimerais " manger équatorien " au moins une fois, aussi, à partir de ce jour, nous ne mangeons plus que des plats équatoriens. Je retiendrai surtout l’emploi fréquent de bananes vertes, cuites comme des pommes de terre, et l’assaisonnement délicieux avec de la coriandre ou du moins une plante verte qui a tout à fait le goût de la coriandre fraîche. J’apprécie particulièrement une sorte de soupe froide, à la coriandre, avec des morceaux de poisson macérés dans le citron vert : le " cebiche de poisson ".

Recette du cebiche de poisson (corvina)

Ingrédients : 15 citrons (verts de préférence), 5 oranges, une livre de tomates, 2 poivrons, 1 livre d’oignons doux, 2 cuillerées de sauce tomate, 1 livre de poisson blanc (corvina), un cube de bouillon Maggi, coriandre fraîche, sucre, sel.

Préparation : couper le poisson en petits dés et le cuire rapidement au micro-ondes. Presser les citrons et mettre le jus sur le poisson. Laisser une demi-heure. Couper les tomates, les oignons et les poivrons en dés, presser les oranges, dissoudre le bouillon Maggi dans de l’eau chaude et mélanger tous les ingrédients dans le saladier du poisson. Mettre au réfrigérateur une demi-heure. On peut ajouter des crevettes.

Jeudi 22 août [2002]

Verónica part faire les courses pour le repas. Aliénor et moi lui emboîtons le pas. Nous allons dans une " moyenne surface ", où l’on trouve tout ce qu’on peut trouver dans un Monoprix en France, plus quelques fruits et légumes du pays, que je m’empresse d’acheter ! Étienne est occupé par des démarches et son travail.

L’après-midi, nous prenons un taxi pour aller au musée de la Forêt amazonienne : nous découvrons de nombreuses haches de pierre, des urnes funéraires, des vestiges de poteries, puis un panorama sur la faune amazonienne : ocelot, armadillo [Tatou. — NDLR.], caïman, anaconda, toucan, etc.

Nous apprenons comment les Indiens cuisinent, comment ils pêchent sur des pirogues taillées dans un tronc, et admirons de nombreuses céramiques zoomorphes.

Une section est consacrée à la culture huaorani, dont la tradition n’est qu’orale ; aperçu également sur la culture cafan, et nous faisons connaissance avec les Jivaros, les fameux " réducteurs de têtes ", d’hommes mais aussi de paresseux.

Une autre section nous montre l’artisanat utile : vannerie, armes traditionnelles, parures, tissages, etc.

Puis nous faisons quelques emplettes dans le quartier moderne : grands immeubles, quelques beaux magasins, mais beaucoup de tout petits enfants qui mendient : plus ils sont petits, plus ils font pitié ; aussi sont-ce des enfants de 18 mois à 5 ans que nous voyons mendier et même aller taper aux carreaux des voitures, aux feux rouges. Au-delà de cet âge, ils vendent des bonbons ou des fruits en petites quantités.

Vendredi 23 août [2002]

Le matin, de nouveau courses avec Verónica. Puis, l’après-midi, taxi pour une visite au musée national de la Banque centrale de l’Équateur. Le musée retrace la fabuleuse odyssée de ces groupes d’Asiatiques qui franchirent le détroit de Béring il y a quarante mille ans, avant de se disperser dans les trois Amériques.

Les objets couvrent les périodes de l’âge de pierre jusqu’aux civilisations pré-incaïques plus récentes (4 000 avant Jésus-Christ à 400 après Jésus-Christ). Pour chaque civilisation, une explication concise et suffisante est fournie. C’est d’une telle richesse qu’il est impossible de parler de toutes les cultures.

Voici les différentes civilisations actuelles d’Amérique du Sud, la langue que parlent les gens et le nombre de personnes qu’elles regroupent :

On passe ensuite à la salle de l’or ! Magnifique ! On y découvre des parures superbes tout en or. Puis salle d’art religieux : peintures et statues en bois sculpté polychromes : vierges à l’enfant, crèches, calvaires, tabernacles, croix en or ou en argent, etc.

Pour finir, art colonial et peinture contemporaine, vivante et bien représentée. J’y ai remarqué en particulier un amusant tableau fait de centaines de petites poupées de chiffon...

Puis nous reprenons un taxi pour aller dans une agence de voyages afin de prendre des billets d’avion pour Cuenca, demain matin, d’où l’on domine Quito. Très beau panorama.

Pendant qu’Étienne est occupé, je regarde vivre les Équatoriens et suis ahurie par les charges que peuvent porter les hommes et les vieilles femmes : des caisses sur le dos, plus une valise sur la tête ; le tout faisant se courber en deux le porteur.

À suivre.

Odile Jaillard

in La gazette de l'île Barbe n° 51

Sommaire