Au bout de plusieurs jours de
démarches, Étienne apprend que ce papier est inutile,
le passeport d’Aliénor étant français. Quant aux
Galapagos, ce sera pour une autre fois… Personnellement, je ne
regrette rien. Nous sortons pour aller louer un 4/4
pour partir dans la forêt amazonienne. Aliénor se fait
une idée extraordinaire de ce 4/4 que nous devons louer. Je
crois qu’elle est un peu déçue de voir une voiture qui
diffère peu des voitures ordinaires, surtout qu’Étienne
n’a pas choisi un énorme 4/4, sachant que nous sortirions peu
des routes ou des pistes fréquentées. Départ de Quito à 7 h
45. Très vite, nous abandonnons la
route goudronnée pour la piste. D’abord, paysages d’eucalyptus et de
cactus (climat d’altitude). Beaucoup de petites maison, mais on ne
voit aucun habitant, sauf sur la route. Nous passons un col, à 4 200
mètres d’altitude, et avons une très belle vue sur
l’Amazonie. Après cinq heures de route (ou
de piste), nous nous écartons pour aller voir la
carrière de pierres à pétrole qui a servi
à goudronner cette route, du col jusqu’en bas, en
étalant simplement ces pierres gorgées de
pétrole, et en faisant passer le rouleau dessus.
Résultat très convenable bien qu’imparfait. Avant d’arriver à Tena,
arrêt à Archidona
dans un magnifique restaurant,
hosteria Órquide
paraíso, qui a, en cage
ou en liberté, une quantité d’animaux de la
forêt. Les perroquets sont venus d’eux-mêmes et restent
ici, simplement attirés par des graines et quelques perchoirs.
Ils restent entièrement libres. En cage (pour protéger
les clients !) : d’adorables petits singes capucins, deux ocelots
avec trois petits, un agouti (le plus gros rongeur du monde… et qui
est délicieux à manger !), des petits sangliers noirs
(pécaris), un boa, etc. En liberté : des singes
atèles, d’autres petits singes, des oiseaux (perroquets de
toutes tailles et de toutes couleurs, toucans, etc.). Aliénor
est ravie. Moi aussi ! Arrêt à Tena : essence,
photos, message internet… Puis on continue sur Mishuali par une piste cahotante. De chaque
côté de la piste, des maisons dont les habitants ont
déforesté pour s’installer, et il faut
déforester assez loin pour permettre au soleil de
pénétrer sur les toits de chaume afin de les
empêcher de pourrir. D’autre part, toutes les maisons sont sur
pilotis pour empêcher les bestioles indésirables
d’entrer (les serpents en particulier). Nous arrivons à el Albergue español, à deux pas du Napo, affluent de
l’Amazone. Petit hôtel sympathique et propre. Étienne
mange de l’agouti ou guanta.
Je goûte.
Délicieux. Demain, lever à 7 heures pour
partir en pirogue sur le Napo vers Archidona, où l’hôtel
possède une dépendance au bord du fleuve et une grande
surface de forêt vierge, que nous devons explorer avec un
Indien. Nous admirons déjà la
végétation qui nous entoure : forêt dense bien
que non vierge ! Toutes sortes d’arbres et de plantes à
très larges feuilles, nombreux arbres morts, moussus, couverts
de plantes épiphytes (sans racines, ou du moins sans racines
enterrées) ou de lianes, faux bananiers avec de si belles
fleurs en grappes plates. Puis sur la place du village, de gros
arbres abritant encore des centaines de petits singes malins et
effrontés. Avant d’embarquer, nous attendons sous
un grand arbre au bord du fleuve. Dans cet arbre vivent des centaines
de petits singes, qui cherchent à s’amuser avec Aliénor
sans toutefois monter sur elle. Ils lui serrent les mains et
s’amusent longuement avec elle. Il paraît que le soir, ils se
déchaînent et volent aux passants tout ce qu’ils ne
tiennent pas fortement : sacs à main, lunettes, etc.
Notre pirogue et notre piroguier arrivent et nous font monter
après nous avoir fait enfiler des gilets de sauvetage, qu’il
trouvera sans doute inutiles au retour ! De la pirogue, nous admirons ces arbres
immenses, aux larges feuilles et tous différents, qui bordent
le Napo, dont la largeur doit varier entre 300 mètres et
près d’un kilomètre. Malheureusement, les photos
rendent mal ce que l’on voit, car il faudrait être plus haut
pour voir un peu plus loin. Au bout d’une heure et demie, nous
arrivons à un hôtel ravissant, tout en bois et en paille
: Jaguar Lodge.
Nous descendons, le temps
de trouver des bottes à notre taille et d’embarquer un Indien
et deux jeunes couples (un espagnol et l’autre peut-être
hollandais ?) pour aller découvrir un bout de forêt
vierge. Dans cet hôtel aussi, nous découvrons des
perroquets, des toucans en liberté et surtout un kinkajou,
genre de petit écureuil avec des gros yeux, qui dort toute la
journée et se promène la nuit. Il dort dans un panier
sous le comptoir, mais on le réveille pour Aliénor
! Nous naviguons dix minutes et
débarquons dans ce terrain appartenant à l’hôtel.
Nous découvrons de jolies maisons de bois et toits de chaume
pour les clients qui ont envie d’être tranquilles ! Puis
une paillotte (sans murs) avec une charpente magnifique. Notre
guide indien nous montre toutes sortes d’arbres leur permettant de se
soigner (apaiser les piqûres de bestioles), des fruits inconnus
de nous, des lianes, des feuilles qui, toutes, ont une valeur
thérapeutique. Nous découvrons un nid de termites
accroché à un arbre, nous évitons les arbres
où vivent des fourmis dangereuses (1,5 cm et toutes velues),
nous admirons des arbres qui ont au moins trois siècles, puis
il nous montre des sortes de noix recelant une véritable
peinture rouge, avec laquelle il va s’amuser à décorer
les deux jeunes femmes puis Aliénor. D’une autre noix, il
peindra un mot, indélébile, sur le tee-shirt d’un des messieurs. Et pour couronner le tout,
il va tresser des feuilles pour faire une robe et une couronne
à Aliénor. Retour à l’hôtel, en
pirogue, pour le repas : un quart de poulet chacun ! manioc frit,
tomates et concombres en rondelles, et comme dessert des morceaux de
banane, d’ananas, de papaye et d’orange. Délicieux et
abondant. Courte sieste dans un hamac au milieu
des singes et des perroquets, puis il faut repartir pour aller voir
l’Amazoo, fondation suisse qui récupère les
animaux malades ou blessés, généralement repris
par la police des frontières. Ici, ils sont soignés
dans le but de les relâcher dans les meilleures
conditions. Les singes sont dans d’immenses cages,
tous ensemble, jusqu’à ce que l’un d’eux se manifeste comme
chef. C’est alors qu’on va les relâcher, tous ensemble et assez
loin, afin qu’ils forment une bande soudée pour faire face aux
éventuelles attaques d’autres singes. Pour les perroquets, une fois en forme,
il faut attendre un vol de cette espèce, passant par
là, pour qu’ils puissent se joindre à eux. Ainsi, le sort de chaque animal est
étudié. L’alligator pose un problème, car on ne
sait comment le relâcher sans qu’il soit attaqué par ses
congénères. Les nombreux coatis au museau pointu
viennent fureter dans nos sacs… Des jeunes filles suisses viennent avec
d’énormes seaux nourrir les pécaris et nettoyer leur
cage . En effet, tous ceux qui travaillent ici sont des jeunes
européens, suisses pour la plupart. Les Équatoriens ne
restent jamais, car leur culture ne leur permet pas de comprendre
qu’on se donne tant de mal pour des animaux. Notre guide est
autrichien ; il est ingénieur en écologie. Nous
visitons le " zoo " avec toute une famille d’Indiens. L’une
des femmes a épousé un Espagnol de 45 à 50 ans.
Tous sont très gentils. Retour à Mishuali à 18
heures. Nous aurions dû rendre visite à une famille
d’Indiens, mais nous n’avons pas eu le temps. Dommage ! Ce soir au dîner, je mange de
l’agouti, et je trouve heureusement une carte postale de coati, car
mes photos sont ratées. Bonne nuit grâce au ventilateur,
qui a tourné toute la nuit, éloignant aussi les
moustiques, mais je suis un peu " groggy " à cause du soleil d’hier sur la pirogue,
car contrairement à l’habitude (il pleut très
très souvent en Amazonie), nous avons eu du soleil toute la
journée. Le soir, nous avancions en pirogue plus vite que
l’orage qui a dû éclater derrière nous !
Olga, l’ex-nounou d’Aliénor, a
fait dire qu’elle tenait à voir Aliénor. À
plusieurs reprises, elle a donné rendez-vous, mais nous ne
l’avons pas vue paraître. Ce soir à 16 heures, c’est
sûr. Il faut donc rentrer rapidement pour la voir… Nous ne
bouclons donc pas la boucle prévue en passant par Santa-Clara,
Puyo, Banos, Salasaca, Ambato, Latacunga et Quito, et nous revenons
sur nos pas par Tena, Baeza, Papallacta, El Quinche et Quito. Bien
nous en prend, car à Tena, Étienne a son pot
d’échappement qui brinquebale dangereusement. Il faut
l’intervention d’un garagiste, qui le ressoude assez rapidement. Cela
nous a fait perdre une heure ou deux, mais nous arrivons pour 16
heures à Quito. Toujours pas d’Olga, mais visite de sa sœur,
qui est la mère de Verónica. Olga nous fait dire
qu’elle viendra sans faute demain à 9 heures. Nous devons
être à 10 heures à l’aéroport pour le
départ ! Olga téléphone à 9
h 30, disant qu’elle allait nous retrouver à
l’aéroport. Pas d’Olga à l’aéroport. Nous
repartirons sans l’avoir vue ! Les formalités se passent
très bien ; Étienne attend à la porte " au
cas où ". Retour sans histoires, sinon les
difficultés de trouver à Bogotá le comptoir Air
France ! Heureusement, un Français, voyant mes efforts pour
demander où était ce comptoir, est venu me dire que
j’étais bien au bon endroit ! Un autre est venu me parler en
anglais, ce à quoi j’ai répondu :
" Française. " Il m’a alors dit dans un excellent
français : " Excusez-moi. Je croyais que vous
étiez Mme X***, que j’ai connue… je ne sais où
! " Retour sans aucun problème
malgré les craintes d’Aliénor de voyager avec une
grand-mère qui ne savait parler ni espagnol ni anglais.
Assia nous attend à Satolas et
me dépose au pied du 33, rue des Fleurs. Fin de l’aventure… Odile Jaillard.
In La gazette de l'île Barbe n° 53 Eté
2003