Voyage en Équateur

19 août – 1er septembre 2002

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Mardi matin 27 [août 2002]

Nous restons à la maison, car Étienne a toujours des ennuis pour obtenir le papier qu’il croit indispensable pour sortir Aliénor du territoire avec moi. Assia doit lui scanner son passeport et lui envoyer par ordinateur. Ceux qui devaient s’en occuper au mois de juillet n’ont rien fait, tout comme celui qui devait prendre les billets pour les Galapagos. En Équateur, on ne peut compter sur personne, paraît-il, et tout cela en est l’illustration. Tout le monde promet et personne n’agit.

Au bout de plusieurs jours de démarches, Étienne apprend que ce papier est inutile, le passeport d’Aliénor étant français. Quant aux Galapagos, ce sera pour une autre fois… Personnellement, je ne regrette rien.

Nous sortons pour aller louer un 4/4 pour partir dans la forêt amazonienne. Aliénor se fait une idée extraordinaire de ce 4/4 que nous devons louer. Je crois qu’elle est un peu déçue de voir une voiture qui diffère peu des voitures ordinaires, surtout qu’Étienne n’a pas choisi un énorme 4/4, sachant que nous sortirions peu des routes ou des pistes fréquentées.

Mercredi 28 [août 2002]

Départ de Quito à 7 h 45.

Très vite, nous abandonnons la route goudronnée pour la piste.

D’abord, paysages d’eucalyptus et de cactus (climat d’altitude). Beaucoup de petites maison, mais on ne voit aucun habitant, sauf sur la route.

Nous passons un col, à 4 200 mètres d’altitude, et avons une très belle vue sur l’Amazonie.

Après cinq heures de route (ou de piste), nous nous écartons pour aller voir la carrière de pierres à pétrole qui a servi à goudronner cette route, du col jusqu’en bas, en étalant simplement ces pierres gorgées de pétrole, et en faisant passer le rouleau dessus. Résultat très convenable bien qu’imparfait.

Avant d’arriver à Tena, arrêt à Archidona dans un magnifique restaurant, hosteria Órquide paraíso, qui a, en cage ou en liberté, une quantité d’animaux de la forêt. Les perroquets sont venus d’eux-mêmes et restent ici, simplement attirés par des graines et quelques perchoirs. Ils restent entièrement libres. En cage (pour protéger les clients !) : d’adorables petits singes capucins, deux ocelots avec trois petits, un agouti (le plus gros rongeur du monde… et qui est délicieux à manger !), des petits sangliers noirs (pécaris), un boa, etc. En liberté : des singes atèles, d’autres petits singes, des oiseaux (perroquets de toutes tailles et de toutes couleurs, toucans, etc.). Aliénor est ravie. Moi aussi !

Arrêt à Tena : essence, photos, message internet… Puis on continue sur Mishuali par une piste cahotante. De chaque côté de la piste, des maisons dont les habitants ont déforesté pour s’installer, et il faut déforester assez loin pour permettre au soleil de pénétrer sur les toits de chaume afin de les empêcher de pourrir. D’autre part, toutes les maisons sont sur pilotis pour empêcher les bestioles indésirables d’entrer (les serpents en particulier).

Nous arrivons à el Albergue español, à deux pas du Napo, affluent de l’Amazone. Petit hôtel sympathique et propre. Étienne mange de l’agouti ou guanta. Je goûte. Délicieux.

Demain, lever à 7 heures pour partir en pirogue sur le Napo vers Archidona, où l’hôtel possède une dépendance au bord du fleuve et une grande surface de forêt vierge, que nous devons explorer avec un Indien.

Nous admirons déjà la végétation qui nous entoure : forêt dense bien que non vierge ! Toutes sortes d’arbres et de plantes à très larges feuilles, nombreux arbres morts, moussus, couverts de plantes épiphytes (sans racines, ou du moins sans racines enterrées) ou de lianes, faux bananiers avec de si belles fleurs en grappes plates. Puis sur la place du village, de gros arbres abritant encore des centaines de petits singes malins et effrontés.

Jeudi 29 [août 2002]

Avant d’embarquer, nous attendons sous un grand arbre au bord du fleuve. Dans cet arbre vivent des centaines de petits singes, qui cherchent à s’amuser avec Aliénor sans toutefois monter sur elle. Ils lui serrent les mains et s’amusent longuement avec elle. Il paraît que le soir, ils se déchaînent et volent aux passants tout ce qu’ils ne tiennent pas fortement : sacs à main, lunettes, etc.

Notre pirogue et notre piroguier arrivent et nous font monter après nous avoir fait enfiler des gilets de sauvetage, qu’il trouvera sans doute inutiles au retour !

De la pirogue, nous admirons ces arbres immenses, aux larges feuilles et tous différents, qui bordent le Napo, dont la largeur doit varier entre 300 mètres et près d’un kilomètre. Malheureusement, les photos rendent mal ce que l’on voit, car il faudrait être plus haut pour voir un peu plus loin.

Au bout d’une heure et demie, nous arrivons à un hôtel ravissant, tout en bois et en paille : Jaguar Lodge. Nous descendons, le temps de trouver des bottes à notre taille et d’embarquer un Indien et deux jeunes couples (un espagnol et l’autre peut-être hollandais ?) pour aller découvrir un bout de forêt vierge. Dans cet hôtel aussi, nous découvrons des perroquets, des toucans en liberté et surtout un kinkajou, genre de petit écureuil avec des gros yeux, qui dort toute la journée et se promène la nuit. Il dort dans un panier sous le comptoir, mais on le réveille pour Aliénor !

Nous naviguons dix minutes et débarquons dans ce terrain appartenant à l’hôtel. Nous découvrons de jolies maisons de bois et toits de chaume pour les clients qui ont envie d’être tranquilles ! Puis une paillotte (sans murs) avec une charpente magnifique. Notre guide indien nous montre toutes sortes d’arbres leur permettant de se soigner (apaiser les piqûres de bestioles), des fruits inconnus de nous, des lianes, des feuilles qui, toutes, ont une valeur thérapeutique. Nous découvrons un nid de termites accroché à un arbre, nous évitons les arbres où vivent des fourmis dangereuses (1,5 cm et toutes velues), nous admirons des arbres qui ont au moins trois siècles, puis il nous montre des sortes de noix recelant une véritable peinture rouge, avec laquelle il va s’amuser à décorer les deux jeunes femmes puis Aliénor. D’une autre noix, il peindra un mot, indélébile, sur le tee-shirt d’un des messieurs. Et pour couronner le tout, il va tresser des feuilles pour faire une robe et une couronne à Aliénor.

Retour à l’hôtel, en pirogue, pour le repas : un quart de poulet chacun ! manioc frit, tomates et concombres en rondelles, et comme dessert des morceaux de banane, d’ananas, de papaye et d’orange. Délicieux et abondant.

Courte sieste dans un hamac au milieu des singes et des perroquets, puis il faut repartir pour aller voir l’Amazoo, fondation suisse qui récupère les animaux malades ou blessés, généralement repris par la police des frontières. Ici, ils sont soignés dans le but de les relâcher dans les meilleures conditions.

Les singes sont dans d’immenses cages, tous ensemble, jusqu’à ce que l’un d’eux se manifeste comme chef. C’est alors qu’on va les relâcher, tous ensemble et assez loin, afin qu’ils forment une bande soudée pour faire face aux éventuelles attaques d’autres singes.

Pour les perroquets, une fois en forme, il faut attendre un vol de cette espèce, passant par là, pour qu’ils puissent se joindre à eux.

Ainsi, le sort de chaque animal est étudié. L’alligator pose un problème, car on ne sait comment le relâcher sans qu’il soit attaqué par ses congénères.

Les nombreux coatis au museau pointu viennent fureter dans nos sacs…

Des jeunes filles suisses viennent avec d’énormes seaux nourrir les pécaris et nettoyer leur cage . En effet, tous ceux qui travaillent ici sont des jeunes européens, suisses pour la plupart. Les Équatoriens ne restent jamais, car leur culture ne leur permet pas de comprendre qu’on se donne tant de mal pour des animaux. Notre guide est autrichien ; il est ingénieur en écologie. Nous visitons le " zoo " avec toute une famille d’Indiens. L’une des femmes a épousé un Espagnol de 45 à 50 ans. Tous sont très gentils.

Retour à Mishuali à 18 heures. Nous aurions dû rendre visite à une famille d’Indiens, mais nous n’avons pas eu le temps. Dommage !

Ce soir au dîner, je mange de l’agouti, et je trouve heureusement une carte postale de coati, car mes photos sont ratées.

Bonne nuit grâce au ventilateur, qui a tourné toute la nuit, éloignant aussi les moustiques, mais je suis un peu " groggy " à cause du soleil d’hier sur la pirogue, car contrairement à l’habitude (il pleut très très souvent en Amazonie), nous avons eu du soleil toute la journée. Le soir, nous avancions en pirogue plus vite que l’orage qui a dû éclater derrière nous !

Vendredi 30 [août 2002]

Olga, l’ex-nounou d’Aliénor, a fait dire qu’elle tenait à voir Aliénor. À plusieurs reprises, elle a donné rendez-vous, mais nous ne l’avons pas vue paraître. Ce soir à 16 heures, c’est sûr. Il faut donc rentrer rapidement pour la voir… Nous ne bouclons donc pas la boucle prévue en passant par Santa-Clara, Puyo, Banos, Salasaca, Ambato, Latacunga et Quito, et nous revenons sur nos pas par Tena, Baeza, Papallacta, El Quinche et Quito. Bien nous en prend, car à Tena, Étienne a son pot d’échappement qui brinquebale dangereusement. Il faut l’intervention d’un garagiste, qui le ressoude assez rapidement. Cela nous a fait perdre une heure ou deux, mais nous arrivons pour 16 heures à Quito. Toujours pas d’Olga, mais visite de sa sœur, qui est la mère de Verónica. Olga nous fait dire qu’elle viendra sans faute demain à 9 heures. Nous devons être à 10 heures à l’aéroport pour le départ !

Samedi 31 [août 2002]

Olga téléphone à 9 h 30, disant qu’elle allait nous retrouver à l’aéroport. Pas d’Olga à l’aéroport. Nous repartirons sans l’avoir vue ! Les formalités se passent très bien ; Étienne attend à la porte " au cas où ".

Retour sans histoires, sinon les difficultés de trouver à Bogotá le comptoir Air France ! Heureusement, un Français, voyant mes efforts pour demander où était ce comptoir, est venu me dire que j’étais bien au bon endroit ! Un autre est venu me parler en anglais, ce à quoi j’ai répondu : " Française. " Il m’a alors dit dans un excellent français : " Excusez-moi. Je croyais que vous étiez Mme X***, que j’ai connue… je ne sais où ! "

Retour sans aucun problème malgré les craintes d’Aliénor de voyager avec une grand-mère qui ne savait parler ni espagnol ni anglais.

Assia nous attend à Satolas et me dépose au pied du 33, rue des Fleurs.

Fin de l’aventure…

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Odile Jaillard.

In La gazette de l'île Barbe n° 53

Eté 2003

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