M. Pariset (André, Aimé),

inspecteur en chef de la marine,
grand officier de la Légion d’honneur

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M. l’inspecteur en chef de la marine Pariset, grand officier de la Légion d’honneur, du cadre de réserve, vient de s’éteindre à Boulogne, le 25 de ce mois. Par son testament, il avait prié qu’on ne lui rendît pas d’honneurs militaires.

Le convoi de cet homme de bien était suivi de nombreux amis ; sur sa tombe, M. Vermot, inspecteur en chef de la marine à Paris, a prononcé les paroles
suivantes.

(27 janvier 1872.)

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Messieurs,

Je prends la douloureuse mission de dire un dernier adieu à M. Pariset, inspecteur en chef de la marine. Ayant eu l’honneur d’être sous ses ordres et de mériter son amitié, je viens au nom du corps dans lequel il a servi, et qu’il a honoré, témoigner à sa mémoire ce qui lui est dû.

M. Pariset, dont la noble vie a été si remplie, avait préparé, par de fortes études à l’École normale, son esprit à l’application des connaissances étendues qu’exige l’administration des colonies.

Il débutait en 1815 comme chef du bureau des douanes à Marie-Galante. Ses facultés heureuses, une instruction complète alliée à l’éducation l’aidaient à parcourir rapidement les degrés de l’avancement. Dès 1829, il était ordonnateur à Cayenne. La période de 1837 à 1844 le voyait ordonnateur à la Guadeloupe, et il y était promu au grade de commissaire général.

En 1844, sous la pression des assemblées législatives, le gouvernement rétablissait l’inspection de la marine. Il fallait composer le corps d’hommes sages, fermes, éclairés, et l’amiral de Mackau choisissait M. Pariset pour le mettre à la tête de l’institution. Par son esprit austère, l’énergie, trait distinctif de sa nature, il était éminemment propre à servir dans l’Inspection, où l’accomplissement du devoir, pour un grand cœur, amortit les chagrins qu’on rencontre dans la carrière.

Le pouvoir, désireux d’utiliser sur un autre théâtre les mérites de M. Pariset, le nommait gouverneur de la Guyane en 1846. Son administration était remarquée, et, pendant cinq ans, il la dirigea avec une judicieuse fermeté, en aplanissant les contestations élevées alors entre le Brésil et la colonie.

En 1851, 1852, il faisait partie de la commission chargée de l’étude de la question de la déportation, et M. Ducos la remerciait en ces termes : « Ainsi se sera réalisée une des plus généreuses pensées de notre siècle. Ainsi la France sera redevable d’un des actes qui attestent le mieux la grandeur et la moralité du pouvoir. Ainsi vous aurez acquis des droits nouveaux à la reconnaissance de la Nation. »

Il continuait ses services comme inspecteur en chef à Toulon en 1853. Là, je l’ai connu, ce fonctionnaire éminent, ce bon citoyen, ce tendre père de famille, ce chef excellent… Les souvenirs se pressent en foule dans ma pensée, Messieurs… C’est que je le voyais, tous les jours, ardent au travail dès qu’il s’agissait du bien public, et prompt à la charité quand il y avait des misères à secourir.

Il terminait en 1858 sa vie administrative au Conseil d’amirauté. Digne couronnement d’une carrière si bien occupée. Il y attestait, par l’utilité de son concours et par l’élévation de ses vues, que la marine se trouve bien d’admettre, dans ses conseils, les fonctionnaires les plus expérimentés de tous les corps.

La croix de grand officier de la Légion d’honneur était la dernière et légitime récompense des services de M. Pariset. Mais c’était une grande distinction, Messieurs, qui n’avait été accordée jusque-là, dans notre administration, qu’à M. Jubelin, sous-secrétaire d’État à la marine. Il est vrai que tous deux étaient considérables par leurs vertus publiques et privées.

Depuis 1858, jusqu’à ce triste jour, la vie de cet homme juste avançait doucement entre les joies de la famille et les travaux de l’esprit.

Ingénieux à faire le bien, il prenait des leçons de grec d’un ami que l’infortune avait accablé, et je me souviens, hélas ! de ces soirées où l’on oubliait la marche des heures à parler des auteurs anciens.

Les douces distractions de la littérature n’excluaient pas, chez lui, les méditations du penseur. Tout récemment, il adressait une note aux députés de l’Assemblée nationale concernant les impôts sur les matières premières, et il tenait ce langage : « Le projet de loi évite d’imposer la houille, le fer, ces deux grands éléments de l’industrie, et on grèverait les matières premières que l’industrie doit transformer avec ces éléments ! »

Comme les vrais patriotes, ce n’est pas sans de grandes douleurs qu’il avait vu notre pauvre pays succomber dans la guerre, puis ensuite livré aux désordres de l’anarchie. Placé au milieu de la dernière lutte, et plus anxieux du sort des siens que de lui-même, malgré sa force d’âme, sa santé s’en ressentit.

Il allait atteindre ses 77 ans en même temps que le mal le consumait lentement, et trouvait le chrétien résigné. Rien n’a pu faire… Malgré tant de soins, et les plus tendres !…

Sa famille, et vous qui m’entourez, Messieurs, nous n’avons plus que des regrets, regrets bien amers… Ainsi se passe notre existence, à regretter !… Ce n’est qu’à ce triste prix qu’elle se prolonge sur cette terre, et le moment y vient bientôt où nous ne pouvons faire un pas sans fouler le tombeau de quelqu’un qui nous fut cher.

Adieu, monsieur Pariset ! Adieu, mon excellent chef et ami !

Manuscrit conservé par Madeleine Pariset.

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In La gazette de l'île Barbe n° 69

Eté 2007

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