Le convoi de cet homme de bien était suivi de nombreux
amis ; sur sa tombe, M. Vermot, inspecteur en chef de la marine
à Paris, a prononcé les paroles (27 janvier 1872.) Messieurs, Je prends la douloureuse mission de dire un dernier adieu à
M. Pariset, inspecteur en chef de la marine. Ayant eu l’honneur
d’être sous ses ordres et de mériter son amitié,
je viens au nom du corps dans lequel il a servi, et qu’il a
honoré, témoigner à sa mémoire ce qui lui
est dû. M. Pariset, dont la noble vie a été si remplie,
avait préparé, par de fortes études à
l’École normale, son esprit à l’application des
connaissances étendues qu’exige l’administration des colonies.
Il débutait en 1815 comme chef du bureau des douanes
à Marie-Galante. Ses facultés heureuses, une
instruction complète alliée à l’éducation
l’aidaient à parcourir rapidement les degrés de
l’avancement. Dès 1829, il était ordonnateur à
Cayenne. La période de 1837 à 1844 le voyait
ordonnateur à la Guadeloupe, et il y était promu au
grade de commissaire général. En 1844, sous la pression des assemblées
législatives, le gouvernement rétablissait l’inspection
de la marine. Il fallait composer le corps d’hommes sages, fermes,
éclairés, et l’amiral de Mackau choisissait
M. Pariset pour le mettre à la tête de
l’institution. Par son esprit austère, l’énergie, trait
distinctif de sa nature, il était éminemment propre
à servir dans l’Inspection, où l’accomplissement du
devoir, pour un grand cœur, amortit les chagrins qu’on rencontre dans
la carrière. Le pouvoir, désireux d’utiliser sur un autre
théâtre les mérites de M. Pariset, le
nommait gouverneur de la Guyane en 1846. Son administration
était remarquée, et, pendant cinq ans, il la dirigea
avec une judicieuse fermeté, en aplanissant les contestations
élevées alors entre le Brésil et la colonie.
En 1851, 1852, il faisait partie de la commission chargée
de l’étude de la question de la déportation, et M.
Ducos la remerciait en ces termes : « Ainsi se sera
réalisée une des plus généreuses
pensées de notre siècle. Ainsi la France sera redevable
d’un des actes qui attestent le mieux la grandeur et la
moralité du pouvoir. Ainsi vous aurez acquis des droits
nouveaux à la reconnaissance de la Nation. » Il continuait ses services comme inspecteur en chef à
Toulon en 1853. Là, je l’ai connu, ce fonctionnaire
éminent, ce bon citoyen, ce tendre père de famille, ce
chef excellent… Les souvenirs se pressent en foule dans ma
pensée, Messieurs… C’est que je le voyais, tous les jours,
ardent au travail dès qu’il s’agissait du bien public, et
prompt à la charité quand il y avait des misères
à secourir. Il terminait en 1858 sa vie administrative au Conseil
d’amirauté. Digne couronnement d’une carrière si bien
occupée. Il y attestait, par l’utilité de son concours
et par l’élévation de ses vues, que la marine se trouve
bien d’admettre, dans ses conseils, les fonctionnaires les plus
expérimentés de tous les corps. La croix de grand officier de la Légion d’honneur
était la dernière et légitime récompense
des services de M. Pariset. Mais c’était une grande
distinction, Messieurs, qui n’avait été accordée
jusque-là, dans notre administration, qu’à M. Jubelin,
sous-secrétaire d’État à la marine. Il est vrai
que tous deux étaient considérables par leurs vertus
publiques et privées. Depuis 1858, jusqu’à ce triste jour, la vie de cet homme
juste avançait doucement entre les joies de la famille et les
travaux de l’esprit. Ingénieux à faire le bien, il prenait des
leçons de grec d’un ami que l’infortune avait accablé,
et je me souviens, hélas ! de ces soirées où
l’on oubliait la marche des heures à parler des auteurs
anciens. Les douces distractions de la littérature n’excluaient pas,
chez lui, les méditations du penseur. Tout récemment,
il adressait une note aux députés de l’Assemblée
nationale concernant les impôts sur les matières
premières, et il tenait ce langage : « Le projet de
loi évite d’imposer la houille, le fer, ces deux grands
éléments de l’industrie, et on grèverait les
matières premières que l’industrie doit transformer
avec ces éléments ! » Comme les vrais patriotes, ce n’est pas sans de grandes douleurs
qu’il avait vu notre pauvre pays succomber dans la guerre, puis
ensuite livré aux désordres de l’anarchie. Placé
au milieu de la dernière lutte, et plus anxieux du sort des
siens que de lui-même, malgré sa force d’âme, sa
santé s’en ressentit. Il allait atteindre ses 77 ans en même temps que le mal le
consumait lentement, et trouvait le chrétien
résigné. Rien n’a pu faire… Malgré tant de
soins, et les plus tendres !… Sa famille, et vous qui m’entourez, Messieurs, nous n’avons plus
que des regrets, regrets bien amers… Ainsi se passe notre existence,
à regretter !… Ce n’est qu’à ce triste prix qu’elle se
prolonge sur cette terre, et le moment y vient bientôt
où nous ne pouvons faire un pas sans fouler le tombeau de
quelqu’un qui nous fut cher. Adieu, monsieur Pariset ! Adieu, mon excellent chef et ami ! Manuscrit conservé par Madeleine
Pariset. In La gazette de l'île Barbe n° 69 Eté
2007
suivantes.