Christian Delacoux à Vézelay

 

Christian Delacoux, 33 ans, apporte la dernière touche aux cinq statues qu'il vient de réaliser dans son atelier de Montaut. Ses oeuvres prendront place avant mardi prochain dans la basilique de Vézelay.

  

Sur les traces d'Ernest Gabard

Le parcours du sculpteur en art sacré se situe dans la progressivité, toute en douceur, du mouvement créateur. Ce Percheron d'origine, séduit par les Pyrénées, s'est installé à Montaut. Activité principale : éducateur spécialisé à mi-temps au Centre d'investigation et d'activité éducatrice (CIAE) à Pau.

Avant d'emprunter la filière d'éducateur, Christian a reçu, trois années durant, une formation de menuisier à l'école des compagnons du Tour de France. Il est de plus titulaire d'un brevet de maîtrise en ébénisterie. Il avait jusqu'alors essentiellement oeuvré dans l'utilitaire : « J'ai réalisé pas mal d'escaliers monumentaux. »

Le reste du temps, ce qui était loisirs de création au début est devenu seconde profession : sculpteur sur bois et pierre. Le déclic pour sa passion nouvelle : la première exposition de ses oeuvres de loisirs, remarquée, en octobre 1994 au pavillon des Arts. Coup sur coup, le talent de Christian Delacoux a été distingué par le prix Ernest Gabard du musée des Beaux-Arts et par la médaille des Amis du chateau de Pau.

 

Commande des Scouts d'Europe

Une statue qu'il exposait, le Chevalier errant, portant coquille, a été particulièrement remarquée ; entre autres admirateurs, son cliché a séduit un responsable d'une association de scouts (Scouts d'Europe) périodiquement présente à Vézelay depuis vingt ans.

Vézelay dans l'Yonne : point de rencontre des cinq chemins du nord vers Saint-Jacques-de-Compostelle, et havre de repos des pèlerins en route vers la Galice lointaine ; haut lieu de spiritualité, où saint Bernard prêcha la deuxième croisade en 1146. Les Scouts d'Europe, qui oeuvrent pour que vivent les chemins de SaintJacques et promeuvent l'art sous toutes ses formes, vouent un culte particulier à Vézelay, où ils organisent à la Toussaint un pèlerinage national.

Que certains groupes de scouts d'Europe aient été proches des catholiques traditionalistes gêne d'autant moins Christian Delacoux, lui-même ancien scout d'Europe, qu'il y a aussi dans « l'affaire » des adeptes du mouvement charismatique, c'est-à-dire strictement l'opposé de feu Monseigneur Lefebvre. Ces scouts-là voulaient « travailler dans le beau, » et il n'en a pas fallu davantage pour séduire Christian Delaceux.

Ainsi reçut-il commande.

Sans que ses drôles de clients ne lui donnassent, du moins au début, de directives bien précises. Ses statues représenteraient un scout à genoux parmi saint Jacques, saint Jean-Baptiste, saint Bernard et Saint Louis.

 

Quelques mois pour des siècles

Trouver le bois a pris deux bons mois. L'essence choisie a été le châtaignier, réputé pour sa résistance à l'humidité et au cortège de parasites (champignons et insectes) qui en découle. Les cinq statues hautes de 1,68 m, constituant un ensemble de près d'une tonne, ont toutes été sculptées dans le même tronc, celui d'un châtaignier séculaire, à l'état sanitaire très convenable, abattu sur les collines d'Asson, et déniché dans un camion qui prenait la route de l'Espagne chargé d'arbres destinés à faire du tanin ! Christian Delacoux n'avait jamais manié le ciseau dans un tel bois : « C'est lui qui a commandé. C'est un bois coupé au mois d'avril, tendre. Le seul problème, ce sont les interstices laissés dans le bois par les années de geL »

Cinq mois auront été nécessaires à Christian Delacoux pour sculpter ces statues. « Le plus difficile, dit-il, c'est de donner une expression aux visages. En l'occurrence, il fallait qu'ils aient l'air serein. »

La dernière couche d'huile de lin passée, les personnages couleur bois et somptueux de sérénité sont prêts à prendre place dans une chapelle latérale de la magnifique basilique romane de Vézelay. Il plait à Christian Delacoux d'imaginer que ses chefs-d'oeuvre défieront les sièdes en un lieu aussi prestigieux, et seront admirés par des milliers de pèlerins amoureux de l'art dans sa symbolique.

 

 

« Plus artisan qu'artiste »

Voilà comment s'est opérée la mue. « Il y a deux ans encore, je n'aurais jamais pu imaginer que tout puisse se passer si vite » confesse Christian. Les choses se sont précipitées au point que l'informel carnet de commandes du jeune sculpteur, fort de cette notoriété, est plein jusqu'en 1997. Voilà qui ne saurait surprendre. Mais Christian se sent toujours « plus artisan qu'artiste ». Son ambition dernière reste l'enseignement de l'ébénisterie.

« Qui se ressemble s'assemble. » Il ne faut enfin pas oublier l'épouse de Christian, Geneviève, experte en marqueterie et qui l'accompagne de ses oeuvres lors des diverses expositions.

 D'après Thomas LONGUÉ

« Pour des siècles à Vézelay», Sud-Ouest, Béarn et Soule,

25 octobre 1995,

et Joseph BERGERET,

« Un Béarnais à Vézelay », la République des Pyrénées,

1er novembre 1995.

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in La gazette de l'île Barbe n° 23

Hiver 1995

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