Les deux joies

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Je vous adresse ce texte, ancien ; ce sont mes voeux pour la nouvelle année, ce que j'ai envie de souhaiter à chacun.

 

Anne JOUBERT

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Il y a la joie qui vient du dedans et il y a celle qui vient du dehors ; je voudrais que les deux soient tiennes ; qu'elles remplissent les heures de ton jour et les jours de ta vie; car quand les deux se rencontrent et s'unissent, il y a un tel chant d'allégresse que ni le chant de l'alouette ni celui du rossignol ne peuvent s'y comparer.

Mais si une seule devait t'appartenir, si pour toi je devais choisir, je choisirais la joie qui vient du dedans.

Parce que la joie qui vient du dehors est comme le soleil qui se lève le matin et qui, le soir, se couche ; comme l'arc-en-ciel qui paraît et disparaît ; comme le vent qui souffle et passe ; comme le feu qui brûle puis s'éteint... trop éphémère, trop fugitive...

J'aime les joies du dehors. Je n'en renie aucune. Toutes, elles sont venues dans ma vie quand il le fallait...

Mais j'ai besoin de quelque chose qui n'a pas de fin ; qui ne peut pas finir.

Et la joie qui vient du dedans ne peut pas finir. Elle est comme une rivière tranquille, toujours la même, toujours présente. Elle est comme le rocher ; comme le ciel et la terre qui ne peuvent ni changer ni passer.

Je la trouve aux heures de silence, aux heures d'abandon. Son chant m'arrive au travers de ma tristesse et de ma fatigue ; elle ne m'a jamais quitté.

C'est Dieu ; c'est le chant de Dieu en moi. Cette force tranquille qui dirige les mondes et qui conduit les hommes et qui n'a pas de fin, qui ne peut pas finir.

Il y a la joie qui vient du dedans et il y a celle qui vient du dehors. Je voudrais que les deux soient tiennes ; qu'elles remplissent les heures de ton jour et les jours de ta vie... Mais Si une seule devait t'appartenir, Si pour toi je devais choisir, je choisirais la joie qui vient du dedans.

  In La gazette de l'île Barbe n° 27

Hiver 1996

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