Êgypte

Juillet-août 1997

 

Certains noms privilégiés ont le pouvoir d'évoquer à eux seuls des mondes entiers. Champollion disait ainsi de Thèbes que c'était le plus grand nom qui ait jamais existé dans aucune langue. De même, le seul nom de l'Égypte évoque tout ensemble une civilisation fastueuse et féconde, qui a dominé sa région du monde plus de la moitié des temps historiques, une écriture longtemps indéchiffrable, dont le décryptage a repoussé les confins de l'histoire à la plus haute antiquité, une mythologie étrange, associant étroitement les dieux, les hommes et la nature.

Et puis, si cette civilisation a sans doute été intellectuellement moins féconde que celle, contemporaine, de Sumer, elle a laissé des témoignages combien plus vivants et évocateurs ! Un voyage dans ce pays provoque un voyage dans le temps. C'est ce qu'ont déjà dû éprouver en 1798 les Français participant à l'expédition d'Égypte, campagne politique et militaire accompagnée d'une mission scientifique et culturelle. Les deux pays ont décidé de célébrer ce bicentenaire de leurs relations sous le titre «France-Egypte : horizons partagés».

À l'approche de ce bicentenaire, j'ai moi-même passé trois semaines d'été en Egypte : partis le 27 juillet pour Le Caire, Martine d'Halluin, Thierry Labarre et moi-même y avons été rejoints le 30 par Marie Viloin et Marc Bayon de la Tour, avec lesquels je suis rentré en France le 17 août, laissant les deux autres dans le désert Libyen et sur la côte méditerranéenne jusqu'au 22. Nous bénéficiions des relations nouées ici par Martine, qui a séjourné deux mois à Alexandrie en 1986 et qui est administratrice de l'association française des Amis de la Haute Égypte. Son expérience lui a fait choisir cette saison, terriblement chaude, mais d'une chaleur sèche qui vaut d'être supportée pour éviter la foule de la pleine saison touristique et pour savourer pleinement les impressions tirées de nos visites.

 
L'identité égyptienne

 Car le pays n'a pas disparu avec son empire, ni son peuple avec ses pharaons. Son identité repose sur des éléments humains et naturels quasiment permanents depuis l'Antiquité.

C'est là que s'est concentré avec la désertification du Sahara un peuple resté depuis lors presque exempt d'apports étrangers malgré les conquêtes, tour à tour, des Hyksos, des Nubiens, des Grecs, des Romains, des Perses, des Arabes, des Turcs, des Anglais, qui ont plutôt juxtaposé des populations que fusionné des races. Aujourd'hui encore, on distingue assez bien trois types ethniques en Egypte. Le type nubien, nettement négroïde, domine en Haute Egypte. Le type arabe forme la population du Sinaï, mais se rencontre aussi un peu partout ailleurs. Mais le type proprement égyptien, avec le teint mat, les yeux en amande, le nez droit et large, la bouche charnue, les pommettes saillantes, occupe toute la vallée du Nil depuis les temps pharaoniques.

Encore aujourd'hui, la vie de ce peuple, l'aspect de ce pays, sont véritablement structurés du sud au nord et d'est en ouest par deux données naturelles le Nil et le soleil.

Le Nil coule du sud au nord avec une régularité telle, après ses cataractes, qu'on parle moins de rive droite et de rive gauche que de rive est et de rive ouest. Sa vallée depuis les cataractes jusqu'au Delta constitue la Haute Egypte, le Delta la Basse Égypte. Sur son passage, il transforme autour de lui le désert en verger. Aussi, les maitres du pays ont toujours cherché à le domestiquer. Dans l'Antiquité, les pharaons aménagèrent un réseau d'irrigation et creusèrent un canal vers la mer Rouge. Dans le dernier demi-siècle, Nasser construisit le haut barrage d'Assouan, dont Moubarak projette d'utiliser le lac de retenue pour recréer une nouvelle vallée dans le désert occidental.

Car sur cette terre, le soleil brûle tout ce qui n'est pas arrosé par le Nil. Sa puissance est telle qu'on en a fait un dieu, et même un dieu unique sous Akhenaton et Néfertiti. Nous-mêmes sommes rituellement montés dormir à la belle étoile au sommet du Sinaï pour jouir de son lever... Dans l'Antiquité, il rythmait l'activité des hommes et orientait l'occupation des rives. À l'est, où il se lève, les vivants cultivaient la bande fertile, installaient leurs habitations, pratiquaient leur religion. A l'ouest, où il se couche, les morts reposaient et attendaient ensemble son lever et leur résurrection.


Le monde des morts

Ce monde-ci primait sur celui-là, à en juger par leurs témoignages respectifs. L'incroyable richesse et l'extraordinaire état de conservation des monuments et du mobilier fuinéraires ne peuvent résulter seulement de la remarquable habileté des architectes et des artisans égyptiens et de l'exceptionnelle sécheresse du climat. Ils reflètent plutôt les soins particuliers entourant tout ce qui toucherait à la résurrection future. Ainsi, le pharaon commençait dès son avènement à faire bâtir son mausolée et fabriquer son mobilier funéraire.

La grande nécropole de l'Ancien Empire occupe le plateau désertique qui, de Sakkarah à Guizeh, domine de 30 m la rive occidentale du Nil de Memphis au Caire, vers la frontière entre la Haute et la Basse Egypte. Les tombes y sont marquées par des «mastabas» ou par des pyramides.

À Sakkarah, des dromadaires nous promènent de pyramides à degrés en tombes à mastaba. Les bas-reliefs présentent des modelés remarquables de finesse et de précision, avec tout le réalisme que permettent les conventions du style pariétal si caractéristique de l'Egypte antique, avec torse de face, tête de profil et membres raides.

Revenant de Sakkarah, on passe par Guizeh, banlieue du Caire. Les trois fameuses pyramides à faces lisses ont été édifiées sur une extension artificielle du plateau de Sakkarah. On y accédait depuis le temple personnel du pharaon, situé dans la vallée, à l'est, par des rampes pavées : celle de la première pyramide est envahie par l'urbanisation, mais celle de la deuxième reste gardée par le sphynx de Kephren. Les boyaux d'entrée des pyramides, eux, s'ouvrent au nord. Celui de la première, qui est aussi la plus grande, débouche dans une majestueuse galerie montante, puis un nouveau boyau horizontal conduit, au centre géométrique de la pyramide, dans la vaste salle funéraire de Kheops, parallélépipède de granit noir où règne une chaleur d'étuve.

Au sud de la pyramide était enterrée la «barque solaire» construite pour le pèlerinage rituel de la momie du pharaon auprès d'Osiris à Abydos avant sa sépulture. Elle est abritée dans un petit musée construit sur place à son intention. Elle le mérite. Toute en bois de cèdre, elle est parfaitement conservée, à la seule exception des cordages de papyrus qui l'assemblaient et qui ont dû être reconstitués. Surgissant ainsi de 4 600 ans d'oubli, elle semble flotter majestueusement dans les airs.

Nous jouissons de ce spectacle fascinant jusqu'à la fermeture du musée - qui de surcroît est climatisé... Puis, au soleil couchant, nous chevauchons une heure autour des pyramides.


La nécropole thébaine

La grande nécropole du Moyen et surtout du Nouvel Empire est en Haute Egypte, près de l'ancienne Thèbes, capitale spirituelle de l'Égypte antique et capitale politique de ces Empires. Nous y allons à vélo après avoir traversé le Nil en bac depuis Louxon

Les tombes de cette époque sont des hypogées creusés dans le calcaire des montagnes désertiques de la rive occidentale. Les hypogées royaux sont regroupés en deux vallées : celle des Rois au nord, celle des Reines au sud. Ils ont été pillés dès la Basse Epoque. Vides, sauf parfois de leur sarcophage, ils laissent admirer leurs volumes majestueux et leurs décors somptueux.

La seule tombe royale découverte inviolée est celle de Toutankhamon. Son trésor, exposé au Musée égyptien du Caire, est merveilleux. La quantité d'or indique la richesse des pharaons ; la beauté des ouvrages montre l'art de leurs orfèvres. Le masque funéraire, surtout, force à une longue contemplation émue : quelle vie dans ce visage idéalisé, jeune depuis 3 300 ans, gracieux comme une vierge, paisible comme un dieu ! Et il faut songer que la gloire de Toutankhamon doit beaucoup plus à ce trésor qu'à son règne, bref et terne. Que devaient être les trésors d'un Thoutmosis III, d'un Aménophis III ou d'un Ramsès II !


Deux temples royaux

Les tombes ainsi regroupées à l'écart, les temples personnels des pharaons en étaient dissociés, même s'ils restaient édifiés sur la rive des morts, face à l'est afin que leurs naos puissent, au moins à certaines dates, être éclairés par le soleil levant, symbole de résurrection. Certains ont donné l'occasion à de véritables chefs-d'oeuvres architecturaux. Le plus réussi est certainement celui de la reine Hatshepsout, à Deir El Bahari, entre les deux vallées royales, dont il magnifie le site avec un sens toujours actuel des perspectives et des proportions. Adossé à de grandioses falaises érodées en pilastres, il reflète leur mouvement et leur austérité par de sévères portiques, dont les piliers violemment éclairés se découpent sur rombre des galeries, soutenant trois amples terrasses reliées par des rampes centrales. Ces portiques créent, entre la verticalité des parois naturelles et l'horizontalité des esplanades artificielles, entre la rudesse des falaises et la décoration des galeries, une transition si harmonieuse que, depuis le Nil, ils paraissent supporter la montagne elle-même.

Si le temple d'Hatshepsout fait impression par son osmose avec son site, à rebours, les «spéo » de Ramsès Il à Abou Simbel imposent par leur démesure propre. Leurs façades monumentales taillées dans la falaise annoncent l'enfilade des salles creusées sous la montagne. La pénombre y imposerait une atmosphère initiatique, si l'omniprésence du pharaon ne la contrariait pas. En pleine Nubie, aux confins de l'actuel Soudan, ces temples propagent la puissance de leur bâtisseur plutôt qu'ils ne célèbrent les mystères de leurs dédicataires. Ils paraissent se servir du site plutôt que de l'exalter, s'y intégrer plutôt physiquement qu'esthétiquement. Le circuit touristique lui-même invite beaucoup à s'émerveiller du gigantisme, non seulement des temples, mais aussi des travaux de leur sauvetage, lors de la mise en eau du lac Nasser, par la reconstitution d'une colline artificielle, dont on visite l'intérieur.


Le culte quotidien

Les temples destinés au culte quotidien étaient plutôt situés sur la rive orientale, dans les villes, dont ils constituaient eux-mêmes des microcosmes.

Le principal était sans conteste le temple, ou plutôt la cité ecclésiastique de Karnak. Créé dès le Moyen Empire, le temple originel fut successivement agrandi et enrichi durant tout le Nouvel Empire, et raccordé à divers temples alentour, jusqu'à celui de la ville voisine de Louxor, auquel il était relié par une immense allée de plus de 700 sphynx. Bien que très ruiné, ce vaste complexe laisse aisément imaginer sa splendeur passée.

En amont, plusieurs temples ptolémaïques, moins anciens et moins vastes, apportent cependant des témoignages complémentaires. Celui d'Edfou, encore conçu selon le plan traditionnel, se signale par l'excellence de son état de conservation. Celui de Kom Ombo, superbement situé sur un tertre devant lequel s'infléchit le Nil, se signale par son dédoublement architectural entre les deux triades dédicataires.

Ceux de Philoe, sauvés des eaux du Nil par leur déplacement sur une île plus élevée, témoignent, eux, de l'épuration de l'architecture égyptienne sous l'influence gréco-romaine. Le kiosque d'Hadrien, notamment, reproduit des chapiteaux composites, mi-pharaoniques mi-classiques, et il est presque entièrement dépouillé de ces bas-reliefs épigraphiques qui alourdissaient auparavant jusqu'aux colonnes.


Les coptes

Nombre de ces temples ont été convertis en églises sous l'Empire byzantin, en vertu d'une succession architecturale autant que terminologique (les chrétiens d'Égypte ont été dénommés «coptes» par simple corruption du nom « d'égyptiens »).

Les chrétiens d'Égypte revendiquent la plus antique origine : l'évangélisation de l'apôtre Marc à Alexandrie, capitale du pays où la sainte Famille avait fui le massacre des Innocents et où elle aurait erré pendant deux ans et demi. Ce dernier séjour est ainsi commémoré en divers endroits. Le plus ancien est l'église Saint-Serge du Caire, dont la crypte paraît avoir été une grotte.

C'est aussi en Égypte que, persécutés par les Romains et magnétisés par le désert, les chrétiens ont instauré l'anachorétisme et le cénobitisme. Des monastères remontant à cette antiquité y sont toujours desservis par quelques moines et fréquentés par de nombreux pèlerins, coptes et étrangers. Nous en visitons plusieurs dans le Ouadi Natroun, suite d'oasis situés entre le Caire et Alexandrie, ainsi que celui de Sainte-Catherine, au pied du mont Moïse, au coeur du Sinaï.

Ces monuments et le Musée copte du Caire montrent un premier art chrétien qui, par ses lignes adoucies, par ses murs arqués, par ses motifs chantournés, par ses couleurs franches, se différencie des arts antiques et se rattache à l'art byzantin. Mais, séparés du reste de la chrétienté au VIIème siècle par la conquête arabe, les coptes ont cultivé cet art sans pouvoir le développer comme allait le faire l'Occident roman.

Aujourd'hui, surtout présents en Haute Égypte, les coptes représentent moins de 10 % de la population, partagés entre orthodoxes, sous le patriarche Shenouda III, et catholiques, sous le patriarche Stephanos. Ils bénéficient d'une certaine protection légale, quoique diversement appliquée, et voient le signe d'une protection divine dans le miracle par lequel ils auraient trouvé il y a une vingtaine d'années dans le Nil, au Caire, une bible ouverte à la page de l'Exode où Dieu bénit son peuple en Egypte.


Une métropole de l'islam

La conquête arabe et le régime musulman ont évidemment beaucoup plus marqué l'Égypte moderne. Elles ont renouvelé son prestige international de métropole intellectuelle, qui a valu au Caire sa primauté dans le monde arabe.

Avec l'islam, le foyer intellectuel de l'Égypte s'est déplacé d'Alexandrie au Caire, et particulièrement à la mosquée-madrasa El Azhar. Les mosquées égyptiennes intègrent ainsi souvent des madrasas. Mais celle d'El Azhar, fondée au Xème siècle, est devenue une véritable université coranique, ouverte à toutes les tendances de l'islam et rayonnant dans tout le monde arabe.

Cette fonction pédagogique influence la conception architecturale des mosquées, qui diffère fondamentalement de l'architecture sacrée antérieure, à l'image des religions concernées. Celle des églises chrétiennes comme des temples païens est toute orientée vers un unique point focal : le sanctuaire, lieu du culte sacerdotal. À l'opposé, celle des mosquées reflète l'absence de sacerdoce et la vocation temporelle de l'islam. Elle se contente à l'accoutumée d'organiser l'espace sans l'orienter, avec une cour bordée de quatre salles aux emplois variés. La salle de prière occupe le côté de La Mecque, dont la direction est seulement désignée par le mihrab. La rareté du mobilier dégage de superbes volumes, alliant harmonieusement les droites et les courbes et offrant de magnifiques surfaces à la fantaisie des ornemanistes - qui en abusent parfois.

La mosquée El Azhar, souvent remaniée, témoigne toujours de ces principes, avec ses multiples collèges autour de la cour et sa grande salle de prière. Au pied de la citadelle du Caire, la mosquée du Sultan Hassan, édifiée au XIVème siècle, les illustre magnifiquement, dans un style imposant de grandeur et de sobriété. Juste à côté, la mosquée moderne El Rifa'i montre leur permanence, quoique avec des variations.

Dans toute l'ornementation, l'imagination créatrice, l'art de l'exécution émerveillent. Mais toutes les arabesques valent-elles cette simple vasque unie en pierre fine qu'on admire aussi au Musée d'art islamique du Caire ? La noblesse des matières, la fluidité des lignes prévaudront toujours à mes yeux sur la richesse ou sur la délicatesse des ornements.


Une capitale du monde arabe

La primauté intellectuelle de l'Égypte a établi au Caire le siège de la Ligue arabe en 1945. Le prestige international du pays a encore été nourri par le charisme personnel de Nasser, champion du panarabisme, «rais» à la stature quasi pharaonique gagnée avec la nationalisation du canal de Suez et l'échec de «la triple et lâche agression» en 1956, l'institution de la République arabe unie en 1958, la construction du haut barrage d'Assouan et le sauvetage des temples de Haute Égypte dans les années 1960.

Mais les déconvenues du conflit avec Israël ont ensuite affecté ce prestige, et le consentement de Sadate à la conciliation a isolé l'Égypte au sein du monde arabe. Même aujourd'hui, si cette politique a rallié l'assentiment de presque tous les États arabes, elle n'en a pas moins coûté à l'Égypte sa prépondérance populaire. En compensation, le gouvernement réoriente la fierté nationale vers l'Antiquité. Ainsi, l'entrée au Musée égyptien du Caire est beaucoup moins chère pour les autochtones que pour les touristes.

Les Egyptiens n'y affluent pourtant guère, absorbés par leurs affaires quotidiennes. Les rues du Caire fourmillent d'un mouvement dense, hâtit chaotique, quasi brownien. On dirait que les 16 millions de Cairotes des deux sexes et de tous âges y sont tous descendus, chacun pressé par quelque besogne. Les piétons envahissent les trottoirs, débordent sur les chaussées. Les automobilistes se ruent malgré les feux rouges, même devant les agents de police, et malgré les piétons, simplement avertis de se garer à coups de klaxon. La foule et les klaxons donnent l'impression d'un vertigineux mariage.


Un essor démographique et économique

Cette activité fébrile est celle d'un essor démographique et économique.

L'essor démographique se manifeste par la jeunesse de la population. Il se traduit par quelques données. L'Égypte compte aujourd'hui une soixantaine de millions d'habitants, comme la France, mais cette population croît de 8 % par an. Son territoire a une superficie d'une centaine de millions d'hectares, double de celle de la France, mais dont seulement 4 % est habitable. Dans ces conditions, la nouvelle vallée doit certes doubler les terres cultivables ; mais à cette époque-là, la population aura également doublé...

L'essor économique doit en effet accompagner l'essor démographique. Malgré son enjeu alimentaire, l'agriculture semble encore traditionnelle, et nous sommes témoins d'efforts des autorités pour la moderniser, avec l'inauguration sur une place publique de Louxor d'une exposition de matériel agricole - principalement russe.

À l'opposé, le tourisme propose des prestations à la pointe des normes occidentales de confort... et de prix. Nous y cédons à l'hôtel Cataract d'Assouan, qu'habite un charme suranné. En revanche, la station balnéaire de Charm El Cheildi reproduit désormais, sans aucun charme, le modèle international de tous les rivages touristiques. Nous ne nous y arrêtons guère : quitte à nous détendre quelques jours sur la côte, nous préférons le faire dans un campement, près de la frontière israélienne.

Mais pour que l'Égypte reste une des principales destinations touristiques dans le monde, la sécurité des étrangers doit aussi y être assurée.

Trois mois après notre retour, les attentats du Musée égyptien et surtout de Deir El Bahari nous ont rappelé que ce n'était pas le cas toujours et partout. Ce terrorisme est sans doute islamique, mais aussi international, à l'image de l'islam lui-même, communauté tout ensemble religieuse et politique.

La police le combat résolument, avec l'approbation de la population, même musulmane. Ainsi, dans le Sinaï, des bédouins, dont j'avais vu la condition en Israël l'année précédente, nous ont surpris par leur regret de l'occupation israélienne, où le tourisme prospérait... Les réalités économiques finiront-elles donc par imposer la paix au Proche-Orient contre les idéologies nationalistes?

Pierre JAILLARD.

  µ

in La gazette de l'île Barbe n° 32

Printemps 1998

 Sommaire