Jeannette Pariset

1909-1994

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Jeanne Pariset est décédée le 7 août 1994. Le personnel de la maison de retraite où elle a fini sa vie, dans une lettre de condoléances, parle de « sa relation très riche, nourrie par une grande expérience de la vie, son dévouement exemplaire et son humour parfois un peu vif ».

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Légion d'honneur

 

Ce n'est pas une cérémonie banale ou quelconque qui s'est déroulée le samedi 7 septembre dernier à l'Espace Culture Loisirs de Brignais, mais une manifestation de grand prestige et de panache destinée à rendre l'hommage appuyé qui revenait de droit à l'une de nos héroïnes, Mademoiselle Jeanne Pariset, infirmière des armées (en retraite) et Brignairote de vieille souche.

Les organisateurs avaient bien fait les choses, puisque vers 17 heures, les personnalités conviées rejoignaient Monsieur Michel Thiers, maire de notre cité et vice-président du conseil général du Rhône, qui les accueillait. Outre Madame le Médecin Général Inspecteur Micheline Chanteloube, commandant l'Ecole du service de santé des armées de Lyon-Bron, qui avait accepté de parrainer la récipiendaire et de présider la cérémonie, nous avons noté la participation de Monsieur Francisque Collomb, sénateur du Rhône, ancien maire de Lyon, Monsieur Xavier Hamelin, vice-président des conseils général et régional, Monsieur le Médecin Général Allouard, chef du service de chirurgie générale de l'hôpital des armées Desgenettes à Lyon, accompagné de son épouse, du Père Mondonneix, curé de notre paroisse, de Monsieur le Président Départemental des Anciens Combattants, des Prisonniers de guerre et des Combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc et Madame Jacques Barthe, des présidents de nombreuses associations [dont notre ami Armand Picard, président départemental des Médaillés militaires. - NDLA.], parmi lesquelles Rhin et Danube, la Croix-Rouge française, la 2ème Division blindée, etc. (Nous regrettons de ne pouvoir citer ici les nombreuses autorités civiles, militaires, politiques, qui nous ont fait l'honneur et le plaisir de répondre à l'invitation de la municipalité)...

Avec les drapeaux disposés dans la salle et sur la scène, l'harmonie municipale et la batterie-fanfare de l'Espérance et Vaillantes (que nous remercions sincèrement au passage de leur concours fort apprécié) rehaussaient l'éclat et le ton de cette manifestation d'excellente tenue.

Après les honneurs réglementaires et officiels rendus à Madame le Médecin Général Inspecteur Chanteloube, Monsieur Michel Thiers ouvrit la série des allocutions pour souhaiter la bienvenue et remercier les personnalités présentes, et pour exprimer à Mademoiselle Pariset, outre la joie de la municipalité et de la cité, qui tenaient à l'honorer, le plaisir qu'il ressentait à lui rendre l'hommage public amplement mérité. Puis, sous des formes simples et « bon enfant », notre maire s'attacha à apaiser les craintes de la récipiendaire, qui avait souhaité une manifestation simple, amicale et familiale, trois critères que les organisateurs avaient tenté de respecter...

Dans son intervention, Monsieur Paul Malinconi, en sa double qualité d'initiateur du dossier de proposition et de président d'honneur de Rhin et Danube, [expliqua les démarches entreprises, contre l'avis de l'intéressée, et sa satisfaction d'avoir abouti en avril 1991, et] rappela les qualités d'effacement et de modestie de Mademoiselle Pariset. Il étaya les thèmes essentiels d'une carrière exemplaire au cours de laquelle « l'infirmière major, combattante aux mains nues, a bravé la peur, affronté les dangers, sous la mitraille, les bombardements, ou au volant d'une ambulance, secouru les blessés, dont certains expiraient dans vos bras.» Puis il lut la lettre de félicitations que Madame la Maréchale de Lattre de Tassigny adressait à Mademoiselle Pariset [cf la Gazette de l'île Barbe, n°19, p. 10. - NDLR.], félicitations auxquelles s'associaient les Généraux Glavany, Sciard et Jacquier.

Après avoir:

 

le Président Martorell prononça l'allocution dont vous trouverez le texte intégral ci-joint, destiné à rappeler avec force les états de services de Mademoiselle Pariset.

En termes simples et châtiés, Madame le Médecin Général Inspecteur Chanteloube rappela le rôle éminent et souvent déterminant des femmes sur les théâtres d'opérations, et dit à Mademoiselle Pariset combien elle se réjouissait de lui remettre cette croix de chevalier de la Légion d'honneur qui lui revenait de droit après l'obtention de quatre titres de guerre et de la Médaille militaire à titre exceptionnel.

Ce fut un moment d'intense émotion lorsque, [ensuite, au son de la musique de l'harmonie et de la batterie-fanfare, elle remit solennellement cette croix à Mademoiselle Pariset, visiblement très émue.]

La cérémonie officielle touchait alors à son terme avec l'interprétation de la Marseillaise et du Chant du Départ par l'harmonie municipale.

Puis un champagne d'honneur, au cours duquel [l'Espérance et Vaillantes et les donneurs de sang bénévoles ont voulu remercier Mademoiselle Pariset de son bénévolat à leurs côtés en la couvrant de fleurs,] clôtura cette manifestation qui demeurera marquée dans les mémoires et gravée dans les annales de la cité.

Nous tenons à réexprimer à Mademoiselle Jeanne Pariset nos bien vives, sincères et très affectueuses félicitations.

 

Pages spéciales in le Combattant brignairot,

n°18, octobre1991.


Au seul service des autres


 

 

 

Madame le Général,

Monsieur le Sénateur,

Monsieur le Maire, Vice-Président du Conseil général,

Monsieur le Vice-Président du Conseil régional,

Mesdames et Messieurs les Elus,

Messieurs les Officiers généraux,

Monsieur le Curé,

Mesdames et Messieurs les Notables de Briguais,

Mesdames et Messieurs les Présidents d'Associations,

Chers Amis Anciens Combattants,

Mesdames, Messieurs,

Chère Mademoiselle Pariset,

 

En ma qualité d'officier d'abord, de président de la section des Anciens Combattants, des Prisonniers de guerre et des Combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc de Briguais, à laquelle vous êtes tant attachée, ensuite, je vais tâcher, chère Mademoiselle Pariset, de brosser, succinctement certes, mais sans en omettre les étapes importantes, le déroulement d'une carrière exemplaire, essentiellement consacrée à soulager les misères des autres, et à épauler, dans sa lourde mission, le corps médical des armées, à pied d'oeuvre sur les différents et nombreux théâtres d'opérations que vous avez parcourus.

Vous avez servi du 1er juillet 1939 au 10 mars 1942 à l'hôpital militaire Desgenettes de Lyon en qualité d'infirmière de la Croix-Rouge française.

Le 15 mars 1942, vous rejoignez l'hôpital militaire de Rabat, au Maroc, avant de contracter, le 1er juillet 1943, un engagement volontaire pour la durée de la guerre.

Le 5 mai 1944, vous êtes mutée à Oran, en Algérie, pour servir à l'hôpital d'évacuation n° 421.

Le 8 mai 1944, vous êtes nommée « chef d'équipe » avant d'embarquer, le 25 mai 1944 à Mers-el-Kébir, à destination de Naples, en Italie, où vous stationnez quelque trois mois.

En effet, le 24 août 1944, vous quittez Naples pour participer au débarquement de Provence, à Sainte-Maxime.

Le 18 avril 1945, vous franchissez la frontière allemande ; vous êtes alors affectée au 25ème bataillon médical de la 9ème division d'infanterie coloniale, cette fameuse 9ème DIC.

Un conflit dur, fait d'une guérilla inhumaine et implacable, éclate alors en Extrême-Orient. Le 15 octobre 1945, vous quittez l'Allemagne pour être mutée en Indochine. Vous arrivez à Saïgon le 28 décembre 1945 pour faire ensuite mouvement sur Haiphong le 1er mars 1946 et vous vous trouvez affectée à la 1ère unité médicale.

Puis vous faites partie du corps de débarquement du Tonkin au titre de l'opération « Rach Gia ». Dans le cadre de cette sévère opération, vous recevez votre première citation à l'ordre du régiment et êtes décorée de la Croix de guerre des théâtres d'opérations extérieurs avec étoile de bronze.

Dans la foulée, vous prenez part à l'expédition du fleuve Rouge, où la bataille fait rage ; vous êtes citée pour la deuxième fois et recevez une nouvelle étoile de bronze.

Ce seront ensuite les furieux combats au corps à corps d'Hoa-Binh, votre courage, votre calme, votre dévouement dans la mêlée, forcent l'admiration et entrainent vos chefs à vous citer à l'ordre de la division ; vous recevez la Croix de guerre avec étoile d'argent.

J'ouvrirai ici une parenthèse pour laisser la parole à votre supérieur de l'époque, le Médecin Colonel Xavier Saing « Infirmière de l'antenne chirurgicale n°1, d'une grande valeur professionnelle et d'un courage remarquable. Au cours de l'attaque d'Hoa-Binh, dans la nuit du 3 mai 1947, s'est dévouée sans compter au chevet des blessés malgré le feu intense de l'adversaire. Pendant les vingt jours de l'opération où son équipe chirurgicale a été employée, a été sans cesse un magnifique exemple de courage, d'abnégation et de mépris du danger. »

Le 26 octobre 1947, vous êtes rapatriée ; six mois plus tard, le 22 mars 1948, vous contractez un rengagement. Vous êtes alors affectée, en qualité d'infirmière militaire, à Casablanca, puis à Marrakech jusqu'au 3 janvier 1953.

Vous êtes à nouveau désignée pour effectuer un second séjour en Indochine. Vous servez alors dans diverses antennes chirurgicales mobiles, notamment au centre Vietnam.

Le 30 juillet 1954, vous recevez une citation à l'ordre de la brigade, assortie de la Croix de Guerre avec étoile de bronze, avant d'être rapatriée le 25 août 1954. A cette époque, pour mémoire -triste mémoire -, nos troupes d'élite (parachutistes, Légion étrangère, tirailleurs marocains et algériens entre autres) succombent à Diên-Biên-Phu sous les coups de boutoir incessants du Viêt-minh.

Le 10 juillet 1955, vous recevez la Médaille militaire, qui vient couronner vos quatre titres de guerre précédents.

Les événements d'Algérie vous entraînent alors à servir dans le Constantinois, où vous arrivez le 16 juillet 1955 pour être affectée, dans un premier temps, à Batna, secteur particulièrement exposé, puis à Bône, où vous demeurez jusqu'au 1er septembre 1959, soit plus de quatre années consécutives.

Le 1er octobre 1959, vous rejoignez l'hôpital militaire Desgenettes à Lyon pour y servir jusqu'au 1er février 1974, avec une interruption de quatorze mois (du 11 juin 1963 au 25 août 1964) pour une affectation à titre bénévole au dispensaire de Rio, en Haute-Volta.

Comment, oui, comment, je vous le demande, Mesdames et Messieurs, comment ne pas s'incliner devant cette carrière exceptionnelle, dont les titres de noblesse jalonnent toute une vie consacrée au service, au seul service des autres ???

Sinon mieux, mais aussi bien que quiconque parmi mes frères d'armes, ceux d'Indochine, qui, à 18.000 kilomètres de chez eux, ont connu la boue gluante et les sangsues des rizières, les embuscades tragiques, les ouvertures de routes ou les patrouilles de jour et de nuit souvent meurtrières, les pièges à tigre ravageurs, les explosions de mines destructrices, une population difficile à cerner, des opérations d'envergure avec leurs cortèges de blessés et de morts, les nuits d'encre, zébrées de temps à autre par une fusée éclairante, par les balles traçantes d'un fusil-mitrailleur ou par les clignotements des lucioles, ceux qui ont connu les corps-à-corps rageurs, ceux qui ont su ce qu'était la soif, souvent, la faim, parfois, ceux d'Algérie également (on ne peut les laisser pour compte), sinon mieux, mais aussi bien que quiconque parmi mes frères d'armes, disais-je, je suis pénétré du fait que cette croix de chevalier de la Légion d'honneur vous revient de droit, chère Mademoiselle Pariset, parce que vous avez amplement mérité de la mère patrie.

 

 

M. MARTORELL,

président des Anciens Combattants, des Prisonniers de guerre

et des Combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc

de Brignais.


Félicitations de la Maréchale de Lattre

Je pense qu'avec l'avis de décès de Tante Jeannette [Pariset], vous pourriez faire paraître ce mot de la Maréchale de Lattre à l'occasion de sa Légion d'honneur.

Merci.

 

Marguerite REURE

 

 


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Mademoiselle,

 

C'est avec joie que j'ai appris la distinction dont vous faites l'objet. Le nombre de vos citations et votre Médaille militaire attestent déjà de votre courage et de votre dévouement, aussi bien à la 1ère armée française et en Indochine qu'auparavant en Italie et plus tard en Algérie.

Vous avez bien mérité cette croix de chevalier de la Légion d'honneur.

Afin d'associer la mémoire de celui qui fut votre chef à « Rhin et Danube », je vous envoie ce document pédagogique, qui vous rappellera le Maréchal. Il serait fier de vous !

Croyez, avec mes félicitations, à mon affectueuse sympathie.

Je vous donne l'accolade.

S. de LATTRE

1991.

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