Beaucoup n'en ont pas ou peu entendu
parler ; Papa et Maman n'en parlaient pas. Je partageais sa chambre, quai
Saint-Vincent, et nous parlions longuement le soir... ou nous nous
disputions ! Il m'entraîna chez les Scouts de
France, puis au clan routier. Nous avons fait ensemble de très
nombreux camps et sorties. Je me souviens d'expéditions
à vélo jusqu'à Annecy (maintenant, au même
âge, on va au Kenya, en Equateur ou à Bornéo...).
Nous partions à trois, avec un autre Pierre, et nous campions
au bord du lac, marchant en montagne ou nous baignant. Joseph nageait
très bien. Un jour, il alla chercher un jeune garçon
que ses copains avaient jeté dans le lac. Il eut de la peine
à le ramener au bord, tellement il se débattait.
Joseph entreprenait toujours quelque
chose avec les autres. Durant l'été 1944, il organisa
un « camp » à l'école d'agriculture de
Cibeins, pour éloigner de Lyon des jeunes en âge de STO.
Ils encadraient des plus jeunes en vacances. C'est là que nous
connûmes la joie de la Libération. Joseph s'engagea quelque temps
après dans l'armée, et je ne l'ai pas revu. Le second prénom de cette petite
Cécile évoque en moi également le souvenir d'un
autre Joseph, son oncle, disparu en mer avec son bateau en avril
1977. Pierre
JAILLARD été
1991. De neuf ans plus jeune que Joseph, je
n'ai pas participé à ses jeux, mais je me souviens
parfaitement de ce frère aîné dans ses
activités de grand. Scout routier avec totem « Milan des
nuits » et devise « au plus dru », il avait des
camarades et amis de la même trempe que lui. Je me souviens
avoir participé à un « départ routier
» clandestin dans les jardins du Rosaire ; dans ce
cérémonial, je présentais la couleur jaune des
louveteaux... Joseph travaillait aux Equipes
nationales (genre de plan ORSEC) pour échapper au STO. Je me
rappelle Joseph chef d'équipe à Jeunesse et Montagne
(JM), aux Contamines. JM était l'équivalent en montagne
des Chantiers de jeunesse. Bref, j'admirais ce grand frère !
Sans le savoir, un aîné peut influencer son
cadet. Ses activités et engagements
l'amenaient plus d'une fois à arriver en retard à la
table familiale et, pour échapper aux remarques paternelles,
il apportait toujours un bouquet de fleurs à Maman.
Michel
JAILLARD. été
1991. Moi non plus, je n'ai pas oublié
ce 19 juin 1945 où, à Roche-la-Molière, Pierre a
dû m'apprendre la mort de Jo ! Il devait, le mois suivant,
être le parrain du bébé que nous
attendions. J'ai gardé plusieurs lettres
qu'il m'avait envoyées de Jeunesse et Montagne, et ensuite de
l'armée ; une des dernières était signée:
« ton grand benêt de frère ». Car Jo ne se
prenait pas au sérieux. Son image reste pour moi celle de la
jeunesse, avec sa joie de vivre, son enthousiasme, sa
générosité, et aussi sa
témérité. Il mettait en pratique sa devise de
scout routier -« servir » - en s'occupant des autres ; il
savait organiser. Il avait donné son temps et sa
peine sans compter en mai 1944, lors du bombardement du quartier de
Vaise qui fit tant de victimes. Il s'était engagé au
18° RTS pour servir en Indochine dans le corps
expéditionnaire. Il était prêt à
tous les combats ; en témoignerait une mitraillette allemande
qui doit rouiller quelque part dans le sous-sol minier de
Roche-la-Molière. Contrairement à mes
frères, j'ai souvent parlé de Jo avec Maman, qui
m'avait toujours un peu considérée comme son «
adjointe » - si on peut dire -, et j'ai reçu d'elle en
1945 de très belles lettres, dans lesquelles transparaissait
le souci de Papa, trop discret dans sa peine. Nous somme très touchés
que les parents de Cécile aient donné le nom de Joseph
à leur fille... comme nous en 1945 à nos jumeaux, dont
il aurait dû être le parrain, et nous n'oublions pas le
jeune oncle de Cécile. Marguerite
CABANE
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