Le Littré de la Grand'Côte

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Clair Tisseur, dit Nizier du Puitspelu (Lyon, 1827 - Nyons, 1895) publia le Littré de la Grand'Côte chez Storck, éditeur lyonnais, en 1894. Depuis un siècle, ce dictionnaire reste une reférence - sans doute peu rigoureuse, mais ô combien savoureuse ! - en matière de «lyonnaiseries». Nous en extrayons quelques articles particulièrement significatifs.

Index :

Académie
Allée
Allée des morts
Apprentisse
Béchevelin
Beleter
Bressan
Buffalo
Canuserie
Casuel
Champagnon
Charpenne
Cheval de Bronze
Chrétien
Compagnon
Dauphiné
Dauphinois
Equevilles
Escoffier
Faim
Femme
Ficelle
Gaillot
Galapian
Galavard
Gandin
Gandiose
Gnafre
Gone
Grand'Côte
Grapillon
Grimpillon
Grolle
Guignol
Hopital
Lyon
Lyonnais
Lyonnaise (La)
Paradis
Pasquin
Pège
Péju
Pitrogner
Plate
Quèser (Se)
radée
Regroller
Regrolleur
Respect
Ronfle
Soute
Trabouler
Vogue
Yonnais
 
 

 
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ACADÉMIE, s. f. - Ecole vétérinaire, hôtel-dieu des chiens et des chats. Quand on a quelqu'un de ces compagnons malade, on le "porte à l'Académie". On y fait aussi subir aux matous certaines opérations délicates pour leur éclaircir la voix, du moins si l'effet produit est le même que sur les chantres de la chapelle Sixtine.

Personne chez nous n'appelle l'École vétérinaire autrement que l'Académie. Quand M. de la Saussaie, nommé recteur de l'Académie de Lyon (en français), vint prendre livraison de son poste, il héla un fiacre à la gare de Perrache et dit au cocher : "À l'Académie" - Le cocher le mena tout de go au quai Pierre-Scize.

Claude Bourgelat, Lyonnais, fondateur des écoles vétérinaires, dirigeait à Lyon l'école que l'on appelait Académie, et où l'on apprenait aux jeunes gentilshommes un brin de mathématiques, le blason, mais surtout à monter à cheval, à voltiger, à faire des armes, à danser, à secouer élégamment le jabot, -"et autres vertueux exercices", dit la délibération consulaire qui l'établit ou plutôt la rétablit en 1716. L'École vétérinaire instituée par Bourgelat, an 1762, avec l'appui de l'autorité locale, fut d'abord une annexe de l'école d'équitation. De là, le nom d'académie qui l'a suivie partout, à la Guillotière, à Pierre-Scize, et qu'elle conserve plus d'un siècle après que l'Académie des jeunes gentilshommes a cessé d'exister.

 

ALLÉE - Allée qui traverse, Allée qui a deux issues. Où est-il le temps où, par quelque grosse radée, je venais de la place de la Comédie chez nous, en rue Belle-Cordière, d'allée qui traverse en allée qui traverse et toujours à la soute. Mais hélas: "Où est la très sage Héloïs ?."

On assure que le bien parler exige allée de traverse. Pourtant, dans "allée qui traverse" il n'y a qu'une de ces métonymies d'effet pour la cause, dont la langue francaise est si coutumière. Ne dit-on pas, suivant l'Académie, une rue passante, une couleur voyante ? Une rue qui passe, une couleur qui voit, ne sont pas moins rares qu'une allée qui traverse.

Cette expression est si répandue chez nous que Saint-Olive, qui soignait son style, n'a pas manqué à écrire, dans ses Vieux Souvenirs : "Un jour, je me trouvais dans la cour d'une maison qui traverse de la place de la Comédie à la rue Désirée."

 

ALLÉE DES MORTS - C'était une allée assez large, basse et voûtée en nervures du XVème siècle, jouxte la façade de Saint-Nizier, au sud. Elle conduisait à un passage découvert, qui communiquait avec la rue de la Fromagerie. On a démoli l'allée et la portion de maison placée au-dessus. Le passage, fermé le soir par une barrière, est partout découvert. On l'appelait allée des  morts, parce que les enterrements qui venaient du côté de la Fromagerie y passaient pour entrer par la façade de l'église.

 

APPRENTISSE s. f. - Apprentie. Le bourgeois (chef d'atelier), le compagnon, l'apprentisse sont en train de dîner. L'apprentisse : Bargeois, faites don fini le champagnon, i me pitrogne par dessous la table ! - Le Bourgeois, à voix basse : Quaisé-te don, Parnon, y est moi ! - L'apprentisse : Ah ! y est vous, bargeois ! faites, faites !

Archaïsme. "Mon iugement ne sçait pas faire ses besongnes d'une puérile et apprentisse intelligence." (Montaigne) - Nicod, 1618 : "Apprentisse, f. g. de apprenty." En 1694, l'Académie dit encore : "Apprentif, ive, ou apprenti, isse." Apprentisse est absolument régulier, car apprenti est tiré du bas latin apprenticias. La forme apprentif est postérieure.

 

BÉCHEVELIN - Quartier au sud de la Guillotière, que l'usine de Laracine pour l'équarrissage des chevaux avait rendu célèbre.

On lit dans le Songe de Guignol, pièce qui précéda de peu les journées de novembre 1831 :

Et moi, je lui tendais les mains pour l'embrasser...
Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
De sale viande et d'os que sentiont la vidange,
Autant Béchevelin ; et de membres affreux

Que de m... [Je ne comprends pas du tout le mot que représente cette initiale. - NDLA] sanglants se disputiont entre eux.

 

BELETTER v. a. - Désirer ardemment, convoiter, couver des yeux. As-te vu Piedfin, comme i belette la Perrotte ? De belette. Etre convoiteux comme une belette.

 

BRESSAN - Long, lourd, lent, lâche. Proverbe allitéré. On sait que chaque pays daube sur ses voisins.

 

BUFFALO s. m. - Sorte de car-ripert très léger, ouvert de toutes parts. M. Clédat a expliqué la formation de ce mot. En 1889, un Américain, qui avait pris le nom de Buffalo-Bill (mot à mot Guillaume Buffle), donna à Lyon des représentations d'une sorte de cirque de sauvages et de chasseurs de buffles, sur un terrain éloigné, au cours Lafayette. La Compagnie des Tramways organisa un service fait par ces voitures, qui étaient encore inconnues à Lyon. Comme elles conduisaient à Buffalo-Bill, le peuple leur donna aussitôt le nom de Buffalo, qu'elles ont gardé.

 

CANUSERIE s. f. - Art de la soie. C'est un bel art, et qui n'est pas si facile que ça. Pour être bon canut, il y faut beauceup d'âme. - Fait sur canut, avec le suffixe collectif erie. Comparez coutellerie, confiserie, etc.

 

CASUEL, ELLE adj. - Fragile. La vertu des femmes n'est casuelle, disait mon maître d'apprentissage. Aujourd'hui on fait des assiettes minces comme de papier pelure, des verres mousseline que n'ont que l'âme. C'est si casuel que, ça se casse tout seul, si l'on a le malheur de les regarder de trop près. - Casuel n'est pas, comme un vain peuple pense, une corruption de cassant ou cassable. Casuel, en métaphysique, se dit de ce qui dépend plus des cas, des accidents. Or, rien ne dépend plus des accidents qu'une porcelaine trop fragile.

 

CHAMPAGNON s. m. - Voyez compagnon.

CHARPENNE s. f. -1. Bois de charme. Brûler de la charpenne.

2. Bois, bosquet de charmes. C'est de là que les Charpennes tirent leur nom. Je connaissais un bon vieux, le père Petit, qui avait enfin pu voir réaliser son rêve d'entrer à la Charité. Eh bien, père Petit, que je lui faisais, êtes-vous content ? - Si je suis content, m'sieu Puitspelu ! Figurez-vous que, le matin, toutes les soeurs défilent devant mon lit. Y en a qui te vous ont de ces façades ! Puis voilà-t-i pas que j'ai retrouvé des petites vieilles que, dans les temps, nous étions allés manger la salade ensemble aux Charpennes ! - De carpinun, charme.

 

CHEVAL DE BRONZE. - C'est le nom donné par les Lyonnais à la statue de Louis XIV sur la plaoe Bellecour. Mon bourgeois avait un vieil ami, le père Écachepoux, qui était allé à Paris étant militaire. De tout ce qu'il avait vu, ce qui l'avait le plus frappé, c'est que, sur la place des Victoires, il y avait "un cheval de bronze en marbre" ; ce qui l'étonnait, "le marbre étant beaucoup casuel".

En mars 1848, un tas de racailles fit des "manifestations" pour faire renverser le Cheval de Bronze, où l'on voyait "un monument de la tyrannie, qui offensait la majesté du Peuple" ! Tous soirs ils faisaient en Bellecour un boucan épouvantable, en criant : "Il partira !" A quoi un autre groupe répondait : Il ne partira pas !" Mais, naturellement, les galapiants étaient les plus nombreux. Ils représentaient le Peuple Souverain. - Un passant, peu au courant de l'affaire, demanda : "Pourquoi don qu'i veulent descendre le Cheval de Bronze ? - Pardi, répondit un narquois, pour le faire pisser !"

Depuis ce temps-là, c'est un gandin classique parmi les canuts que de dire à un innocent : Te sais pas, on a descendu hier le Cheval de Bronze. - Ah bah ! Et pourquoi ? - Pour te faire pisser. Mais ça ne prend plus. Tout le monde la connait.

 

CHRÉTIEN s. m. - Homme. Je passais de bon matin sur le pont Seguin. Plusieurs personnes entouraient de larges taches de sang. On pérorait : savoir si c'était un crime, ou un animal qu'on aurait tué. Je te dis que c'est du sang de chrétien, criait un brave homme ; M. Ferrand t'y dira comme moi ! Comparez Molière : "Il faut parler chrétien, si vous voulez qu'on vous entende !". [ Les précieuses ridicules, scène VI : réplique de Marotte, servante des Précieuses ridicules. - NDLR]. Tradition du moyen âge, où l'idée d'homme se confondait avec celle de chrétien. Les non baptisés étaient mis au rang des bêtes.

Un ami me fait observer que, tout du long de l'ouvrage, j'ai parlé de M. Chrétien sans dire qui il était. Se pourrait-il qu'un seul de mes lecteurs ignorât que M. Chrétien était un honnête homme, qui a rendu à la société des services beaucoup plus réels que tels ou tels de nos grands politiciens, M. Rochefort ou M. Clemenceau par exemple, en la débarrassant de quelques criminels par trop exagérés. Il habitait aux Charpennes, avec sa dame et ses deux demoiselles, une petite maison calme, isolée, poétique, à gauche de la route. La croyance populaire a de tout temps attribué aux bourreaux quelques vertus médicatrices, mais M. Chrétien était un grand médecin et je crois bien que la canuserie tout entière a défilé dans son cabinet. On eut le bon goût, s'il m'en souvient, de ne jamais le poursuivre pour exercice illégal de la médecine. Après sa mort, les canuts se précipitèrent dans le Raspail. Il n'y avait pas un ménage où l'on n'eût le Manuel, l'eau sédative, le camphre, etc. À telles enseignes qu'un de mes amis, à force de respirer la cigarette de camphre (du camphre dans un tuyau de plume) s'attira une maladie d'entrailles dont il est mort. Telle fut du moins l'opinion du médecin qui le soigna, et dont je n'ai pas à prendre la responsabilité.

 

COMPAGNON, ONNE quelquefois CHAMPAGNON, s. - C'est l'ouvrier ou l'ouvrière qui travaille dans la boutique d'un canut, à son propre compte, mais avec un métier et des ustensiles au bourgeois. "Gérôme Blicart, compagnon velotier, montant z'un métier velors trois carts, cheux maître Charpolet, maison Grimo, à la Granda Côta" (Déclaration d'amour). Le bourgeois prélève la moitié de la façon du compagnon pour le louage du métier et des ustensiles, la fourniture du local, de l'éclairage, du chauffage, etc. - Champagnon est une dérivation fantaisiste de compagnon.

 

DAUPHINÉ - Pour boire une bouteille de bon vin avec un brave homme en Dauphiné, il faut porter le vin et mener l'homme (à ce que prétendent les Lyonnais).

 

DAUPHINOIS - Le Dauphinois, fin et courtois, sent venir le vent et connaît la couleur de la bise.

 

ÉQUEVILLES s. f. pl. - Balayures, ordures. Tous ces politiciens, tous ces gens affamés de crapularité,je serais d'avis de les jeter aux équevilles. - Fait sur le vieux francais escouve, balai, de scopa.

 

ESCOFFIER s. m. - "Vieux terme qui signifie cordonnier", dit Cochard. Il est aujourd'hui oublié, et même assez inusité déjà au temps de Molard pour que celui-ci n'ait pas jugé à propos de le mentionner[Le Mauvais langage corrigé ou recueil par ordre alphabétique d'expressions et de phrases vicieuses usitées en France et notamment à Lyon, Lyon, 1792 - NDLR]. Il signifiait aussi marchand de cuir. - De corium, par une série de transformations trop complexes pour les rapporter.

Escoffier v. a. - Tuer, spécialement égorger. - De conficere, achever, tuer. Français populaire, particulièrement usité à Lyon.

Il y avait à Feurs la rue de la Cordonnerie, Carreria Escofferiae, ce que M. Broutin, dans son Histoire de Feurs, p. 147, traduit hardiment par rue des Marchands de subsistances.

 

FAIM. - Une faim canife. Canife est la traduction de canine, peu intelligible, tandis qu'une faim canife, on voit tout de suite que c'est une faim aiguisée.

Avoir faim comme le Rhône a soif, N'avoir pas faim du tout, vu que le Rhône a suffisamment de quoi boire.

J'ai une faim, que je la vois courir. Quand on voit courir sa faim devant soi, c'est que véritablement on ne saurait s'abuser sur son existence.

 

FEMME - Femme du Puy, homme de Lyon font bonne maison. Parce que l'une est avare, et l'autre laborieux.

Quand la maison porte sur quatre piliers, la femme en tient trois (quand elle n'en tient pas quatre). Le sûr, c'est que l'ordre et l'économie de la femme font la prospérité du ménage.

Il faut laisser les portes et les femmes comme on les trouve. C'est ce que me répétait toujours mon maître d'apprentissage (Dieu ait son âme), qui m'a donné tant de bons conseils.

Les femmes en vivent et les hommes en meurent. C'est un proverbe que répétait souvent M. Chrétien aux jeunes gens qui allaient le consulter.

 

FICELLE s. f. - Nom donné aux chemins de fer funiculaires. Longtemps on a dit la Ficelle tout court, parce qu'il n'y en avait qu'une. Aujourd'hui l'on dit la Ficelle de la Croix-Rousse, la Ficelle de Saint-Just, la Ficelle de la Croix-Pâquet. Cette métaphore diminutive et méprisante est admirable.

Être ficelle, Être d'une probité médiocre. M. Finochon est un homme qu'a de l'estoc ; dommage qu'i soye un peu ficelle. - Je me demande quelle analogie on a pu voir entre un morceau de ficelle et un filou ? Possible quelque vague analogie de consonnance, tout simplement.

 

GAILLOT s. m. - Flaque d'eau généralement malpropre. Les ordonnances du consulat obligeaient les Lyonnais à porter leurs équevilles dans un grand fossé appelé le Grand Gaillot.

De gaillot en gaillot j'ai gaffé jusqu'à toi !

a dit notre grand Hugo.

Parlant par respect, L'âne va toujours pisser au gaillot. Manière de dire que l'argent va toujours aux riches.

Ce mot paraît avoir pour base une onomatopée gail, exprimant le rejaillissement de l'eau. Cependant on trouve en celtique kail, boue.

 

GALAPIAN s. m. - Vaurien, vagabond. T'as vu sur le journal ce galapian qu'a escoffié une femme ? - Participe présent du gascon galapia, boire en avalant, manger sans mâcher, d'un radical galp (voyez galavard).

 

GALAVARD s. m. - Vaurien, fainéant, vagabond. S'emploie surtout avec l'adjectif grand. Il est venu un grand galavard allonger la demi-aune. - D'un radical galp, galav, galaf qui a produit dans les dialectes romans une quantité de mots où se retrouve la signification de glouton.

 

GANDIN s. m. - Bourde, piège, tromperie qui consiste surtout à en faire accroire. Monter un gandin. Exemple : I n'ont monté un gandin à ce grand benoît de Jean-Marie : i z'y ont fait croire Mlle Fessond, la fille du fabricant, le belette. - Se rattache au bas latin gamnum, gamnatura, raillerie.

 

GANDOISE s. f. - Plaisanterie, raillerie. Pistonaud, i nous a dit qu'à Paris, quand il était sordat militaire, il avait visité l'intérieur de l'Eau bélisque, que faut pour ça une carte de Louis-Philippe. Je crois qu'i nous conte de gandoises.

Au figuré Plaisanterie un peu libre. Il n'est pas convenable de conter des gandoises aux apprentisses.

Forme de gandin, avec substitution à in du suffixe oise, d'ensis.

 

GNAFRE s.m. - Regrolleur, savetier. Nous disons de préférence un peju. À Paris, ils disent un gniaf.

 

GNAFRON - Personnage du théâtre Guignol. On connaît assez son chapeau en tromblon, son énorme ronfle écarlate, sa bouche où il ne reste qu'une dent. Il est le plus souvent peju de son état, ce qui motive le nom. Ce rôle a été tenu, à mon avis, d'une façon incomparable par le pauvre y qui avait été canut.

 

GONE s. m. - Gamin. Par extension se dit d'un adulte, au sens péjoratif. As-te vu ce gone, il avait mauvaise câle !

Gone mouvant, Petit gone. Un mouvant, c'est un moineau qui sort du nid. Donc, gone mouvant, gone qui sort du nid.

Assez vraisemblablement du grec gonoz, fils, enfant. On ne le rencontre, il est vrai, dans aucun vieux texte lyonnais, mais il figure sous la forme gonet dans un texte dauphinois du premier tiers du XVIIIème siècle. Et arton, qui est bien grec, ne se rencontre non plus dans aucun document.

*Arton nous est venu par le provençal, où plusieurs mots grecs ont laissé trace, tandis que gone est purement lyonnais et pas fort ancien. Gone se rattache plutôt au vieux français gone ou gonne, robe, et la forme dauphinoise gonet confirme cette dérivation.

 

GRAND'CÔTE - Recevoir un coup de pied au bas de la Grand'Côte. Les Italiens, qui sont classiques, disent nel preterito.

 

GRAPILLON s.m. - Montée très roide. Le mercredi 9 avril 1834, la famille, se sauvant devant l'émeute, prit, pour aller à Sainte-Foy, le grapillon qui est au bout du pont de la Mulatière. - Corruption de grimpillon.

 

GRIMPILLON s. m. - Montée très raide. Voyez grapillon. - De grimper, avec un suffixe fréquentatif.

 

GROLLE s. f. - Savate, vieux soulier éculé. Traîner la grolle, Être dans la misère, avec sens péjoratif. - Substantif verbal du vieux provençal crollar, de corotulare, branler, remuer

Passe la grolle, la grolle, la grolle, jeu du furet mis à la portée des gones qui ne vont pas nu-pieds.

 

GUIGNOL - Le théâtre et le personnage et ses principaux interprètes sont trop connus pour qu'il y ait lieu de répéter ce qui a été dit tant de fois. Mentionnons seulement la locution : C'est un guignol ! qui se dit de quelqu'un de pasquin, qui fait des grimaces.

 

HÔPITAL - C'est l'hôpital qui se f...che de la Charité. Se dit lorsque quelqu'un blâme un autre d'un défaut qu'il possède lui-même. On dit aussi : C'est la poêle qui se gausse du chaudron, mais cette dernière locution n'est pas propre à Lyon.

Te dis que je suis pas riche ! J'ai trois maisons en ville ! -Ah bah ! - Oui, j'ai l'Antiquaille, la Charité et l'Hôpital. - Gandoise de bonne humeur que l'on dit volontiers lorsque l'on n'est pas très fortement monnayé. Mon père disait de même : "Tel que vous me voyez, j'ai plus de quatre millions ! - Je ne vous croyais pas si riche ! - Oui, j'ai quatre fils, et je ne donnerais pas chacun d'eux pour un million !"

 

LYON - Qui perd Lyon perd la raison.

Femme du Puy, homme de Lyon font bonne maison (voyez femme).

Sais-tu lire ? - Non - Sais-tu nager ? - Je suis de Lyon ! Dicton dont les Lyonnais sont très fiers.

 

LYONNAIS - Lyonnais, niais. C'est un proverbe inventé par nos voisins du Forez, du Dauphiné, de la Bresse, pour se venger de ceux que nous avons faits sur leur compte. - En Poitou, Lyonnais est synonyme de scieur de long.

 

LYONNAISE (LA) - C'est la Marseillaise de Lyon, qu'un grand poète anonyme a faite en 1848, et qu'on chantait avec enthousiasme. Elle rend l'esprit lyonnais tout entier dans sa pureté et dans sa bonhomie. Rien de plus amical, de plus pacifique, de moins sanguinaire que cette Marseillaise d'un nouveau genre, surtout lorsqu'elle est chantée avec un fort accent canut :

Aux armes, Ly-onnais! Égalité z'et Paix! Marchons, marchons, bons citoyens! Amis républicains!

 

PARADIS s.m. - Beau reposoir qu'on fait le Jeudi saint dans nos églises pour y déposer le saint sacrement, qui y passe la nuit. Sa beauté et la présenoe du saint sacrement en font l'image du ciel.

 

PASQUIN - Individu qui fait rire en faisant des charges, des grimaces. Il est pasquin comme pas un. On dit aussi : Il a l'esprit pasquin - Le mot n'est pas péjoratif.

 

PÈGE s. f. - Poix. - Savetier, qu'as-tu ? - J'ai la pège au, etc., dit une vieille et gracieuse chanson. Et le vertueux Rabelais parle quelque part d'une souris empeigée. - De pica pour picem.

 

PEJU s.m. - Regrolleur, savetier. Lorsque Poncet construisait la rue Impériale, il me disait avec orgueil : Je ne veux pas rien des pejus pour portiers ! - De pège, avec le suffixe u, d'osus.

 

PITROGNER, v. a. - Patiner de façon malpropre et grossière. Cadet, veux-tu bien ne pas pitrogner ton pain comme ça ? Manie donc ton pain plus proprement. - On avait marié Mlle X*** d'une honorable famille bourgeoise, bien connue à Lyon. Le soir de ses noces, son mari voulut lui témoigner son amour par quelques caresses. Monsieur, lui dit-elle aigrement, aurez-vous bientôt fini de me pitrogner comme ça ? (Historique.) - De pisturire, avec substitution d'un suffixe fréquentatif et péjoratif.

 

PLATE s. f - Bateau à laver. Le Lyonnais Besson eut le premier l'idée d'agencer une plate à l'usage des laveuses. (M. B.) Lorsqu'une bonne vous apporte quelque nouvelle importante, mine, par exemple, celle du mariage du fils à la bouchère ou celle de la grossesse de la fruitière, etc., demandez-lui d'où elle le tient, elle vous répondra infailliblement : Madame, on me l'a dit à la plate. - De plat, parce que ces bateaux, couverts en terrasse, sont absolument plats et carrés.

 

QUÈSER (SE) v. r. - Se taire. Quand le z'anciens porlent, faut se quèser. La forme patoise est restée dans la locution Quési ton bè ! tais-toi ! littéralement tais ton bec. - De quetiare pour quietare.

 

RADÉE s. f. - Averse, pluie abondante et de courte durée. - Du vieux français rade, rapide, de rapidum.

 

REGROLLER v. a. - Saveter, raccommoder les souliers. - Fait sur grolle (voyez ce mot).

 

REGROLLEUR s. m. - Savetier. - De regroller.

 

RESPECT - Parlant par respect. Formule de politesse dont on doit accompagner toute expression basse ou qui réveille une idée répugnante. Même le mot de fumier ne se doit pas prononcer sans être précédé de parlant par respect ; et la formule doit toujours précéder le mot et non le suivre, afin que votre interlocuteur ait le temps de se préparer à quelque chose de désagréable. Je connaissais un bon homme qui poussait si loin la délicatesse à cet égard, qu'il ne disait jamais "ma femme" sans le faire précéder de "parlant par respect".

 

RONFLE s. f. - 1. Toupie métallique. Dans le noël de Jean Capon, le boeuf, en voyant le diable, souffle "comme une ronfle".

2. Au figuré Nez, gros nez. "Tiens, voilà les Jacobins - Avec leur ronfle", dit un autre noël. - Substantif verbal de ronfler, parce que c'est du nez que l'on ronfle.

 

SOUTE s. f. - À la soute, À l'abri. Eh ben, père Fouillasson, vous n'avez don gobé la radée ? - Oh, j'avais mon chapeau monté, je m'ai metu à la soute dessous ! - C'est le substantif soute, de subtus.

 

TRABOULER v. n. - S'emploie seulement dans l'expression Une allée qui traboule, Une allée de traverse. J'avais cru le mot tiré de l'argot, mais il est bien lyonnais. - De tra (trans) et bouler, rouler. Allée qui traboule est pour allée par où l'on traboule, comme allée qui traverse pour Allée par où l'on traverse.

 

VOGUE s. f. - Fête du village, qui coïncide avec la fête patronale. Puis le nom s'est étendu aux fêtes des faubourgs et des quartiers. - C'est une dérivation du français vogue, au sens d'abondance, affluence.

La Vogue des choux, Vogue de la presqu'île Perrache, où il y avait jadis beaucoup de jardiniers.

 

YONNAIS - Véritable prononciation de Lyonnais.

 

Nizier du PLUITSPELU

µ

in La gazette de l'île Barbe n° 20

Printemps 1995

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