Louisiane

Juin 1998

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Incontestablement, « notre » n° 32 de la Gazette se réservait un destin exotique ! En effet, parti le 4 juin, je le glissais dans notre valise sans même avoir eu le temps d'en ouvrir l'enveloppe, et ce n'est qu'à Baton-Rouge que j'ai pris connaissance de son contenu. Lequel nous révèle les curieuses tribulations de la famille Rambaud en Chine et l'instructif récit du voyage de Pierre Jaillard en Egypte, alors que la moitié du tour de la planète nous sépare des premiers cités.

Il est une évidence : chacun a appris, et se souvient peut-être encore un peu qu'en Louisiane, une partie des résidants descend généalogiquement de familles venues du Poitou, de Normandie, de Picardie et autres contrées de France.

Ici, mon propos sera de tenter, très modestement et succinctement, de faire découvrir l'attachement d'une population lointaine à ses racines, à sa patrie ancestrale et à notre langue.

 

Une communauté historique et culturelle

 

Au pays cajun (altération d'acadien, puis cadien et enfin cajun), vos oreilles seront surprises par des sonorités bien de chez nous : Thibodaux, Broussard, Pointe-aux-Chênes, Terre-Bonne, Lafayette, Hue, Arnauville, Guidroz, Laffite, Chauvin et tant et tant d'autres que les pages d'une seule Gazette ne suffiraient à toutes les répertorier ! C'est ainsi que le village acadien (reconstitué, l'humidité et les termites ayant eu raison des habitations en bois édifiées depuis plus de deux siècles) nous présente les maisons de Leblanc, d'Aurélie Bernard, de Billeaud, etc., ainsi que la vie rurale extrêmement rudimentaire de l'époque.

Mais c'est dans la chapelle du Nouvel Espoir que le guide rappelle avec émotion et passion l'immense tragédie subie par ses ancêtres. De 1755 à 1763, la plupart des Acadiens résidant au Canada ont été déportés en Angleterre, dans ses colonies américaines et en France. Exilés ou fugitifs, ils ont traversé une longue période d'errances — « le Grand Dérangement »—à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil, qui fat, pour deux à trois milliers d'entre eux, via les Antilles, la côte sud, lagunaire, forestière et marécageuse, de la Louisiane : les bayous.

Aujourd'hui, les descendants de ces pionniers entendent bien, avec ferveur, acharnement — et courage —, préserver la culture et les coutumes héritées des générations antérieures.

A Saint-Martinville, au Mémorial acadien, sous une inscription « Arrête-toi, mon ami, lis mon nom et souviens-toi de moi », s'allonge une liste de plus de 3.000 personnes identifiées, gravée dans le marbre pour la postérité. Dans ce monument brûle une « flamme éternelle » à la mémoire de quelques autres milliers d'Acadiens déportés, morts en haute mer sans jamais avoir abordé les rives d'une terre promise.

 

A Lafayette, au parc Jean-Laffite, le Centre culturel acadien visionne, en français, un film relatant l'histoire de nos « cousins », leur expulsion des provinces maritimes du Nord-Est canadien, leurs pérégrinations, leur arrivée et leur implantation en Louisiane.

Tout au long de l'année, dans ce climat semi-tropical, de nombreux festivals aux titres évocateurs, tels ceux du Boudin, de l'Héritage, de la Fête nationale (14 juillet), du Marché français, du Bayou marécageux, du Noël cajun, etc., veillent à perpétuer leurs traditions, qui sont aussi, pour certains, celles que nous nous plaisons à retrouver dans nos campagnes.

 

Francophilie et hospitalité

 

Non seulement pour garder le contact, mais surtout pour que nous, Français de la métropole, nous réapprenions leur existence, des familles cajun nous ouvrent leur porte pour le dîner, la soirée et le coucher. Et, dans la demeure de nos hôtes, je me suis émerveillé devant l'énorme bibliothèque franco-anglaise couvrant, du sol au plafond, deux grands pans de murs.

Au cours des conversations, nos nouveaux amis se sont bien situés : contrairement à l'attitude de séparatisme de certains Québécois envers le Canada, eux, les Cajuns, sont et veulent rester citoyens des Etats-Unis. Mais ce qu'ils revendiquent, c'est la reconnaissance de leur identité spécifique et, très essentiellement, le droit d'enseigner le français dans leurs écoles.

Le lendemain matin, lors du regroupement des familles au centre-ville, nous sommes entourés par nos hôtes cajun brandissant et mêlant drapeaux acadiens et français. Enfin, après une très émouvante Marseillaise où dominaient les voix locales, en un grand cercle et mains unies, nous nous souhaitions, en chantant... de nous revoir un jour !—Qui sait ?

 

Et si quelqu'un d'entre vous désire réaliser un beau voyage, qu'il prenne rendez-vous pour le congrès mondial acadien qui aura lieu du 1er au 15 août 1999 à Lafayette :

 

Congrès mondial acadien Louisiane 1999

Case postale 3804

LAFAYETTE LA 70502-3804

Télécopie : (318) 233 9353

Messagerie électronique : http://www.cma-la99.com

 

Quinze grands jours de festivités dont je tiens la liste-programme à la disposition de chacun !

Allez leur rendre visite : la Louisiane vaut bien le Canada ! Non seulement vous découvrirez d'inoubliables paysages, de mystérieux bayous, de fabuleuses maisons coloniales et le carré français de la Nouvelle-Orléans, mais vous conforterez leur amour pour notre pays et leur certitude de ne pas être oubliés. — Ils en ont tant besoin !

Julien JAILLARD

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in La gazette de l'île Barbe n° 33

Eté 1998

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