A cette époque s'élevait,
sur la pente de la colline de Saint-Sébastien, le bourg de
Condate. Les Ségusiaves étaient
pasteurs. Ils adoraient Sylvain, dieu des bois, les fées, les
nymphes des sources, Ségesta, déesse des fleurs et des
récoltes, et Briso, déesse des songes. Les prêtres gaulois s'appelaient
les druides. Les bateliers de la Saône et du
Rhône adoraient Teutatès, guide des navigateurs et dieu
de l'intelligence. Les Ségusiaves savaient extraire
l'or du sable de leurs rivières. Les mines d'argent de
L'Argentière étaient alors exploitées, mais on
ignore si celles de cuivre de Chessy et de Sain-Bel étaient
déjà ouvertes. Ce peuple fut le premier que les
Romains rencontrèrent à l'ouest de leur province
lorsqu'ils traversèrent le Rhône pour entrer dans la
Gaule chevelue. Au moment où
Vercingétorix leva l'étendard de la Liberté en
Gaule contre l'illustre Jules César, les Ségusiaves
soutinrent peu le patriote. En 43 avant Jésus-Christ, une
colonne romaine chassée de Vienne par les Allobroges fonda la
ville de Lyon. Après la mort de César,
les triumvirs se partagèrent les provinces romaines. La Gaule
échut à Marc-Antoine, qui fit distribuer des terres
à ses soldats sur les collines situées de Lyon à
Albigny et à Collonges. Sous Auguste, Lyon devint la capitale
de la Lyonnaise formée de l'ancienne Celtique. En l'an 10 avant Jésus-Christ,
le terrain compris entre le Rhône et la Saône devint
commun aux provinces de Lyonnaise, d'Aquitaine et de Belgique. Ce fut
à cette époque que fut élevé un temple
à Auguste et à Rome sur le territoire de Condate, qui
ne faisait pas partie de la colonie. Sous l'empereur Galba, le siège
du gouvernement de la province fut transféré à
Vienne, qui devint la capitale de la Viennoise. Sous les Antonins, l'histoire du
Lyonnais se confond avec celle de Lyon. La religion chrétienne fut
prêchée dans notre pays, au milieu du deuxième
siècle, par saint Pothin, et une phalange de Lyonnais
scellèrent leur foi de leur sang en l'an 177. L'empereur Septime-Sévère
voulant renverser Albin, une bataille se livra entre les deux
compétiteurs Septime-Sévère fut d'abord vaincu ;
vainqueur à son tour, il fit passer son cheval sur le corps
d'Albin puis brûla et démolit une partie de la ville de
Lyon. En 212, Caracalla donna le titre de
citoyens romains à tous les habitants de l'Empire. En 284, sous Dioclétien, et en
375, sous Gratien, la province Lyonnaise fut subdivisée en
trois, avec Lyon, Tours et Sens pour capitales. Dans la première moitié
du V° siècle, le Lyonnaisais n'était pas encore
soumis aux Burgondes ; mais dans la seconde moitié, ce peuple,
conduit par Gondicaire, occupa tout le pays entre le Rhône, la
Durance et le lac de Zurich. Chilpéric, petit-fils du
vainqueur, régna sur les Lyonnais ; puis son frère
Gondebaud l'ayant assassiné avec sa femme, celui-ci devint
seul roi de Bourgogne. Ce souverain publia des lois qui accordaient
aux Lyonnais les mêmes droits que les Bourguignons
(501). Il fit placer sa nièce Clotilde,
qu'il avait rendu orpheline, au couvent de Saint-Michel, à
Lyon. Cette princesse se maria plus tard à Clovis, qui
vainquit Gondebaud à la bataille de Dijon. Les fils de ce dernier subirent la
vengence des fils de Clovis de diverses manières. A la suite d'une expédition dans
laquelle se livra la bataille de Vézeronce (524), la Bourgogne
fut réunie au domaine mérovingien, et le Lyonnais
échut à Childebert, qui créa l'Hôtel-Dieu
de Lyon. Plus tard, cette province tomba sous la domination de
Gontran, roi d'Orléans et de Bourgogne. Les Lombards ravagèrent le
Lyonnais au VIème siècle, et les Arabes au
VIIIème. Après la bataille de Poitiers
(732), la Bourgogne fut livrée aux soldats de Charles Martel,
qui s'étaient signalés dans ce combat
célèbre. Charlemagne eut la gloire de relever
les ruines faites par cette soldatesque, de créer des
écoles et de favoriser les savants. Parmi ceux-ci, il faut
citer Leydrade, archevêque de Lyon, qui créa des
écoles, fonda l'abbaye de Savigny, releva de ses ruines celle
de l'île Barbe, et restaura plusieurs églises de la
ville de Lyon. Le successeur de Leydrade fut Agobard,
célèbre par sut libéralisme. Il combattit les
superstitions et notamment la croyance aux sorciers et aux
charlatans, très en faveur dans le Lyonnais, et s'opposa
à l'établissement du duel comme moyen de justice et au
démembrement de l'empire de Louis le Débonnaire.
Au traité de Verdun (843), le
Lyonnais et Lyon furent donnés à Charles le Chauve ;
mais le bourg situé entre le Rhône et la Saône
dépendait de l'empire de Lothaire. Les archevêques et le
clergé de Lyon, étant restés fidèles au
pouvoir impérial, rattachèrent la cité et
l'immense diocèse à la Lotharingie. En 870, Charles le Chauve s'empara de
Lyon et du Lyonnais, et remplaça l'ancien gouverneur du pays
par l'ambitieux Bozon, qui, après la tenue d'un synode
à Mantaille, fut proclamé roi de Bourgogne cisjurane,
le 15 octobre 879. Il fut sacré à Lyon, d'où il
fut chassé par la suite. Son fils prit plus tard la couronne
impériale. La Bourgogne cisjurane et la Bourgogne
transjurane formèrent alors le royaume d'Arles. En 1033, ce royaume tomba au pouvoir
des princes allemands ; mais les comtes lyonnais ne reconnurent
jamais cette violation du traité de Verdun. En 944, les Hongrois ravagèrent
le Lyonnais et ruinèrent l'abbaye de Savigny, qui fut
relevée, avec le monastère d'Ainay, par
l'archevêque Amblard. En 920 apparaît la
première dynastie des sires de Beaujeu, laquelle
s'éteignit en 1265. L'édit de Kiersy-sur-Oise
accorda aux comtes lyonnais l'hérédité de leur
charge ; ils restèrent toujours fidèles aux rois de
France. Les archevêques ayant
été chassés par les comtes de Lyon, les
empereurs d'Allemagne, défenseurs du parti épiscopal,
restèrent victorieux, et les comtes de Lyon se
retirèrent dans le Forez. En 1107, la maison d'Albon fonda la
deuxième dynastie des comtes de Lyonnais. Vers l'année 1140, l'abbaye de
Savigny, après avoir été saccagée, fut de
nouveau relevée de ses ruines. En 1184, les chanoines de Lyon se
firent donner le titre de comtes de Lyon par Frédéric
Barberousse, et se partagèrent les châteaux du Lyonnais.
Ils établirent leur forteresse à Saint-Just.
En 1312, le Lyonnais fut réuni
à la couronne. En 1348, la peste noire ravagea le
Lyonnais, et en 1360, les troupes mercenaires licenciées
après la bataille de Poitiers mirent cette province à
sac. Deux ans après, le 2 avril 1362,
les Tard-Venus gagnèrent sur les troupes royales la bataille
de Brignais, où tombèrent un grand nombre de nobles
chevaliers. Louis II de Bourbon acquit le
Beaujolais et la Dombes en 1400 ; en 1466, le Beaujolais fut
séparé du Lyonnais. Jacques Coeur mit en exploitation les
mines de cuivre du Lyonnais et en échangea les produits avec
l'Orient. Les biens du connétable de
Bourbon ayant été confisqués après sa
trahison (1523), le Lyonnais, le Beaujolais, le Forez et la Dombes
entrèrent dans le domaine direct du roi, et formèrent
un gouvernement militaire. Ces biens passèrent plus tard par
héritage à la maison d'Orléans. De 1612 à la Révolution,
la famille des Villeroy, dont deux membres occupèrent le
siège primatial de l'Eglise de Lyon, gouverna le
Lyonnais. En 1789, le Lyonnais nomma 16
députés, dont 4 pour le clergé, 4 pour la
noblesse et 8 pour le tiers état ; le Beaujolais en nomma
3. Le 30 mai 1790 eut lieu au Grand-Camp
la Fête de la Fédération. Au moment de la division de la France
en départements, la province du Lyonnais forma le
département de Rhône-et-Loire, qui nommait 15
députés. Lors de la constitution civile du
clergé, les biens de l'Eglise furent confisqués et les
anciennes divisions ecclésiastiques changées.
Entre tous les crimes commis à
cette sombre époque, il convient de citer l'assassinat de
Guillin-Dumontet, seigneur de Poleymieux (26 juin 1791). Après le siège de Lyon
(1793), le département de Rhône-et-Loire fut
divisé, et forma les deux départements du Rhône
et de la Loire. A partir de cette époque,
l'histoire de notre département est intimement liée
à celle de Lyon. Pendant l'année terrible, Lyon
et le département du Rhône payèrent largement
leur tribut à la patrie envahie. Les Lyonnais versèrent
héroïquement leur sang sur les champs de bataille de
Nuits (18 décembre 1870), de Paris et des bords de la Loire.
Ils eurent l'insigne honneur de participer à la défense
de la ville de Belfort, ce dernier lambeau de la patriotique Alsace,
qui, avec sa soeur la Lorraine, attend stoïquement le jour
où le drapeau tricolore sera porté glorieusement de
l'autre côté des Vosges par les Enfants de la
France...! F.-A.
VARNET in Géographie du département du
Rhône, vers
1897. in
La gazette de
l'île Barbe
n° 16 Printemps
1993