Une semaine peu ordinaire

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Je tiens à vous raconter la semaine peu ordinaire que nous avons vécue, Françoise et moi-même, du 3 au 7 septembre 1990.

Lors d'un apéritif chez des amis, à Saint-Saturnin, Marie-Claude Hortefeux nous fait part de son projet d'aller passer une semaine de réflexion, en septembre, à La Salette, et nous propose de l'accompagner afin de ne pas être seule.

Mon imprudente Françoise dit "oui" sur-le-champ et, cinq minutes plus tard, je confirme notre accord, en époux solidaire. C'est seulement après, que Marie-Claude nous précise que la retraite sera prêchée par monseigneur Gaillot, évêque d'Evreux.

Une retraite... touristique !

Toute la semaine qui suit, nous pestons contre nous-mêmes : pourquoi avoir dit oui ? il fallait dire non, enfin ! Mais qu'allions-nous faire à La Salette, cette usine à prières où quelques curés stakhanovistes, pour faire marcher leur boutique, nous produiront des Ave Maria à la chaîne ? Et le comble, c'est Gaillot : ce gâteux, ce tordu, courtisan des médias, qui a le chic pour tout prendre à rebrousse-poil et pour nous réveiller, pourquoi ne reste-t-il pas dans sa cathédrale ? Mais il y a belle lurette qu'il a dû la déserter, sa cathédrale !

Et puis, nous réfléchissons qu'après tout, les Alpes ce n'est pas mal, que La Salette, c'est proche du Parc des Ecrins, et que pendant que Marie-Claude jouera les grenouilles de bénitiers, nous, nous jouerons les randonneurs.

Alors en avant, on y va ! Gros chandails, gros souliers, camping-gaz, lunettes de soleil, enfin, la panoplie du parfait retraitant.

La Salette, accueillante

Arrivée à La Salette, lundi à 17 heures. Il fait beau Le décor est superbe. L'accueil est souriant. Nous nous installons dans de vraies chambres, d'un vrai hôtel, avec un vrai restaurant ; nous sommes loin de la chambre monacale avec cuvette et pot à eau émaillés que nous craignions.

Le soir à 21 heures, réunion de prise de contact. La nuit est tombée et on ne peut pas se promener : allons-y, ça passera le temps, et puis nous aurons fait preuve de bonne volonté vis-à-vis de Marie-Claude.

Après salutations du recteur de La Salette, le père Gaillot prend la parole : voix douce, mélodieuse, phrases courtes ; il est question d'amour et de charité, je suis ébahi.

En fin de réunion, je ne peux m'empêcher d'entraîner Françoise et Marie-Claude pour saluer le père Gaillot, qui nous accueille avec le sourire et un mot gentil. Il a cinquante-cinq ans, un regard bleu, pétillant d'intelligence. Rien ne le distingue d'un autre prêtre, même au choeur : ni crosse, ni mitre, ni calotte violette ; seulement l'anneau pastoral.

Mais il y a une aura autour de cet homme. Je suis surpris qu'une telle puissance, qu'une telle force puisse sortir d'un homme aussi fluet (1,65 m, 55 kg maxi.). Mais je ne puis m'empêcher de me dire : ce type-là doit être un caïd.

Quatre jours avec monseigneur Gaillot

Et pendant quatre jours, au rythme de deux entretiens et d'une messe solennelle par jour, nous avons eu le privilège de vivre tout proches du père Gaillot. Durant ces quatre jours, le père nous a parlé de Dieu et des hommes. J'ai décidé "d'utiliser" le père Gaillot au maximum, mais comme nous étions deux cent cinquante, cela n'allait pas être facile. Tant pis, on fonce !

J'ai organisé un repas réservé aux Auvergnats et présidé par le Père ; nous étions seize (dont trois Lozériens). Etant à droite du Père, j ai pu en profiter au maximum. Marie-Claude - cela n'étonnera personne - l'a copieusement bombardé de questions, et nous avons passé une grosse heure ensemble. Et je ne puis m'empêcher de vous raconter ceci : Françoise ayant un peu, ce soir-là, fait office de maîtresse de maison, à la fin de la cérémonie pénitencielle qui a suivi le repas, dans la basilique, monseigneur Gaillot s'est approché d'elle et lui a dit : "Merci encore de votre accueil de tout à l'heure, si fraternel," et là alors, j'ai cru que ma moitié allait chavirer.

Le lendemain, j'ai pu, seul, l'emmener en voiture visiter des familles de bergers (des vrais de vrais). Nous parlions, bien sûr, mais le voyage a été trop court pour que nous engagions une véritable conversation. J'ai fait une photo du Père partant de la bergerie.

Un dossier pour sa défense

Je peux vous fournir une synthèse des entretiens et du forum que nous avons eus avec le père. Elle est faite de phrases courtes, comme parle le père ; malheureusement, vous n'aurez pas sa voix, incroyablement douce.

J'ai voulu absolument monter, puis diffuser, ce dossier : je considère que c'était mon devoir. Monseigneur Gaillot est trop vilipendé, hué, vomi, pour qu'on ne le défende pas, et à voix haute. Cet homme ne parle que de bien, d'amour, de charité, de tolérance, et beaucoup de Dieu. Il cite souvent Jean-Paul II, et aussi monseigneur Roméro ; chaque entretien était étayé de l'Evangile et entrecoupé de citations des Pères de l'Eglise.

J'ai été frappé qu'aux offices, ce prêtre, qui a vingt-sept ou vingt-huit ans de sacerdoce derrière lui, dise des formules ressassées des milliers de fois avec la même ferveur que si c'était la première.

Un évêque modèle

Je souhaite à tous les diocèses de France d'avoir un monseigneur Gaillot

Certaines bonnes âmes vont dire que j'ai retourné ma veste. Je vous rappelle que je ne suis pas un chrétien de gauche, et ne croyez pas que je sois devenu un inconditionnel. Pourtant, j'aimerais avoir le père Jacques Gaillot pour ami. C'est vrai, j'ai viré à 180° à son sujet, mais c'est mieux maintenant.

S'il vous plaît, lisez ma littérature, et si vous l'avez lue, téléphonez-moi, écrivez-moi, convoquez-moi, même si vous n'êtes pas d'accord.

Voilà, c'est tout. Amitiés à tous.

Gérald et Françoise FAUCHER

20, boulevard Desaix ; 63000 CLERMONT-FERRAND ; 73 93 61 98

P.S. 1 : L'équipe de retraitants était constituée de la façon suivantes :

P.S. 2 : Je vous conseille de lire, de Jacques Gaillot : Foi sans frontières, aux éditions Desclée de Brouwer.

P.S. 3 : Merci encore à Marie-Claude de nous avoir entraînés dans cette galère...

NDLR : Le résumé proprement dit de cette retraite est malheureusement trop long pour être publié in extenso dans la Gazette. Gérald et Françoise Faucher pourront le fournir à ceux qui le désirent.

In La gazette de l'île Barbe n° 4

Printemps 1991

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