Lors d'un apéritif chez des
amis, à Saint-Saturnin, Marie-Claude Hortefeux nous fait part
de son projet d'aller passer une semaine de réflexion, en
septembre, à La Salette, et nous propose de l'accompagner afin
de ne pas être seule. Mon imprudente Françoise dit
"oui" sur-le-champ et, cinq minutes plus tard, je confirme notre
accord, en époux solidaire. C'est seulement après, que
Marie-Claude nous précise que la retraite sera
prêchée par monseigneur Gaillot, évêque
d'Evreux. Toute la semaine qui suit, nous pestons
contre nous-mêmes : pourquoi avoir dit oui ? il fallait dire
non, enfin ! Mais qu'allions-nous faire à La Salette, cette
usine à prières où quelques curés
stakhanovistes, pour faire marcher leur boutique, nous produiront des
Ave Maria à la chaîne ? Et le comble, c'est
Gaillot : ce gâteux, ce tordu, courtisan des médias, qui
a le chic pour tout prendre à rebrousse-poil et pour nous
réveiller, pourquoi ne reste-t-il pas dans sa
cathédrale ? Mais il y a belle lurette qu'il a dû la
déserter, sa cathédrale ! Et puis, nous
réfléchissons qu'après tout, les Alpes ce n'est
pas mal, que La Salette, c'est proche du Parc des Ecrins, et que
pendant que Marie-Claude jouera les grenouilles de bénitiers,
nous, nous jouerons les randonneurs. Alors en avant, on y va ! Gros
chandails, gros souliers, camping-gaz, lunettes de soleil, enfin, la
panoplie du parfait retraitant. Arrivée à La Salette,
lundi à 17 heures. Il fait beau Le décor est superbe.
L'accueil est souriant. Nous nous installons dans de vraies chambres,
d'un vrai hôtel, avec un vrai restaurant ; nous sommes loin de
la chambre monacale avec cuvette et pot à eau
émaillés que nous craignions. Le soir à 21 heures,
réunion de prise de contact. La nuit est tombée et on
ne peut pas se promener : allons-y, ça passera le temps, et
puis nous aurons fait preuve de bonne volonté vis-à-vis
de Marie-Claude. Après salutations du recteur de
La Salette, le père Gaillot prend la parole : voix douce,
mélodieuse, phrases courtes ; il est question d'amour et de
charité, je suis ébahi. En fin de réunion, je ne peux
m'empêcher d'entraîner Françoise et Marie-Claude
pour saluer le père Gaillot, qui nous accueille avec le
sourire et un mot gentil. Il a cinquante-cinq ans, un regard bleu,
pétillant d'intelligence. Rien ne le distingue d'un autre
prêtre, même au choeur : ni crosse, ni mitre, ni calotte
violette ; seulement l'anneau pastoral. Mais il y a une aura autour de cet
homme. Je suis surpris qu'une telle puissance, qu'une telle force
puisse sortir d'un homme aussi fluet (1,65 m, 55 kg maxi.). Mais je
ne puis m'empêcher de me dire : ce type-là doit
être un caïd. Et pendant quatre jours, au rythme de
deux entretiens et d'une messe solennelle par jour, nous avons eu le
privilège de vivre tout proches du père Gaillot. Durant
ces quatre jours, le père nous a parlé de Dieu et des
hommes. J'ai décidé "d'utiliser" le père Gaillot
au maximum, mais comme nous étions deux cent cinquante, cela
n'allait pas être facile. Tant pis, on fonce ! J'ai organisé un repas
réservé aux Auvergnats et présidé par le
Père ; nous étions seize (dont trois Lozériens).
Etant à droite du Père, j ai pu en profiter au maximum.
Marie-Claude - cela n'étonnera personne - l'a copieusement
bombardé de questions, et nous avons passé une grosse
heure ensemble. Et je ne puis m'empêcher de vous raconter ceci
: Françoise ayant un peu, ce soir-là, fait office de
maîtresse de maison, à la fin de la
cérémonie pénitencielle qui a suivi le repas,
dans la basilique, monseigneur Gaillot s'est approché d'elle
et lui a dit : "Merci encore de votre accueil de tout à
l'heure, si fraternel," et là alors, j'ai cru que ma
moitié allait chavirer. Le lendemain, j'ai pu, seul, l'emmener
en voiture visiter des familles de bergers (des vrais de vrais). Nous
parlions, bien sûr, mais le voyage a été trop
court pour que nous engagions une véritable conversation. J'ai
fait une photo du Père partant de la bergerie. Je peux vous fournir une
synthèse des entretiens et du forum que nous avons eus avec le
père. Elle est faite de phrases courtes, comme parle le
père ; malheureusement, vous n'aurez pas sa voix,
incroyablement douce. J'ai voulu absolument monter, puis
diffuser, ce dossier : je considère que c'était mon
devoir. Monseigneur Gaillot est trop vilipendé, hué,
vomi, pour qu'on ne le défende pas, et à voix haute.
Cet homme ne parle que de bien, d'amour, de charité, de
tolérance, et beaucoup de Dieu. Il cite souvent Jean-Paul II,
et aussi monseigneur Roméro ; chaque entretien était
étayé de l'Evangile et entrecoupé de citations
des Pères de l'Eglise. J'ai été frappé
qu'aux offices, ce prêtre, qui a vingt-sept ou vingt-huit ans
de sacerdoce derrière lui, dise des formules ressassées
des milliers de fois avec la même ferveur que si c'était
la première. Je souhaite à tous les
diocèses de France d'avoir un monseigneur Gaillot Certaines bonnes âmes vont dire
que j'ai retourné ma veste. Je vous rappelle que je ne suis
pas un chrétien de gauche, et ne croyez pas que je sois devenu
un inconditionnel. Pourtant, j'aimerais avoir le père Jacques
Gaillot pour ami. C'est vrai, j'ai viré à 180°
à son sujet, mais c'est mieux maintenant. S'il vous plaît, lisez ma
littérature, et si vous l'avez lue,
téléphonez-moi, écrivez-moi, convoquez-moi,
même si vous n'êtes pas d'accord. Voilà, c'est tout.
Amitiés à tous. Gérald et
Françoise FAUCHER 20, boulevard Desaix ;
63000 CLERMONT-FERRAND ; 73 93 61 98 P.S. 1 : L'équipe de retraitants était
constituée de la façon suivantes : P.S. 2 : Je vous conseille de lire, de Jacques Gaillot
: Foi sans
frontières, aux
éditions Desclée de Brouwer. P.S. 3 : Merci encore à Marie-Claude de nous
avoir entraînés dans cette galère... NDLR : Le
résumé proprement dit de cette retraite est
malheureusement trop long pour être publié in extenso
dans la Gazette. Gérald et Françoise Faucher
pourront le fournir à ceux qui le désirent.
In La gazette de l'île Barbe n° 4 Printemps
1991