Sur saint Cyprien

 À l'occasion de la naissance de notre fils j'ose ces quelques mots sur saint Cyprien. 

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Une vie exemplaire

Le saint patron que nous avons choisi pour notre petit garçon est Cyprianus Caecilius, qui vécut au IIIème siècle à Carthage, se convertit au christianisme sous l'influence d'un prêtre nommé Caecilius et renonça à sa charge d'avocat, à ses richesses, à l'amour de sa femme et de ses enfants pour se consacrer à la recherche de la « perfection ».

Les fidèles, touchés par tant de grandeur d'âme, en firent leur évêque (heureuse époque où les évêques pouvaient être issus directement du peuple, élus par lui, auquel ils s'imposaient non par le truchement d'une quelconque hiérarchie, mais par leur seule vertu...).

Il eut à affronter les cruelles persécutions ordonnées par l'empereur Dèce, et sut donner à ses compagnons la force de les endurer : « Le bâton n'a rien de terrible pour le corps chrétien, dont toute l'espérance est dans le bois. Le serviteur du Christ a reconnu le signe de son salut : racheté par le bois pour la vie éternelle, il avance par le bois vers la couronne. »

Ii fut lui-même décapité le 14 septembre 258, après avoir remis vingt-cinq pièces d'or à son bourreau pour le remercier « de la grâce qu'il allait lui procurer. » Saint Cyprien est resté aujourd'hui vénéré par les chrétiens d'Afrique du Nord.

 


Un Père de l'Église

 Saint Cyprien est un Père de l'Église et ses nombreux écrits furent souvent relus dans les conciles, en particulier au concile Vatican II. Trois thèmes reviennent constamment sous sa plume : paix, amour, unité de l'Église.

 

Le devoir de paix

La paix est au coeur du message du Christ, nous dit l'évêque de Carthage :

« Le Seigneur, à la veille de sa Passion, a ajouté ceci : c'est la paix que je vous laisse, c'est ma paix que je vous donne. Tel est l'héritage qu'il nous a légué tous les dons, toutes les récompenses dont il nous a ouvefl la perspective, c'est à la conservation de la paix qu'il en a lié la promesse... Si nous sommes les fils de Dieu, nous devons être pacifiques. »

Paix, amour et chanté

Pour saint Cyprien, paix, amour et charité sont indissociables ; le Christ lui-même « nous a recommande les liens incorruptibles et inviolables de l'amour et de la charité. » Et, déjà au IIIème siècle, il entrevoit les atteintes qu'un certain matérialisme pourrait faire courir à la paix entre les hommes, à l'unité et à la foi :

« Chez nous, cette unanimité se trouve compromise, dans la mesure où a faibli notre générosité. Alors, les fidèles vendaient leurs maisons, leurs propriétés, pour se préparer des trésors dans le ciel, et ils en apportaient l'argent aux Apôtres pour le soulagement des indigents. Maintenant, nous ne donnons même pas le dixième de notre patrimoine ; et, au lieu de vendre comme nous l'ordonne le Seigneur, au contraire nous achetons, nous nous agrandissons. C'est ainsi qu'a dépéri chez nous la vigueur de la foi, c'est ainsi que s'est alanguie la force des croyants. C'est à notre temps que songeait le Seigneur quand il a dit : le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? Nous voyons cette prophétie se réaliser. »

 

Une monarchie collégiale pour préserver l'unité

« La prière de quelques-uns, si elle sort de coeurs unis, obtient davantage que celle d'une multitude où ne règne pas l'harmonie, » écrit saint Cyprien.

Pour lui, en effet, fondamentale est l'unité de l'Église, dont Pierre et ses successeurs seraient le principe perpétuel et visible, bien que le Christ eût dispensé « à tous les Apôtres un pouvoir égal », tous étant « pasteurs d'un seul troupeau », qu'ils font « paître en un accord unanime » ; la primauté de l'évêque de Rome était ainsi clairement affirmée :

« Il y a une seule Eglise qui, par sa fécondité toujours croissante, embrasse une multitude toujours plus ample. Le soleil envoie beaucoup de rayons, mais sa source lumineuse est unique ; l'arbre se divise en beaucoup de branches, mais il n'a qu'un tronc vigoureusement appuyé sur des racines tenaces ; d'une source découlent bien des ruisseaux; cette multiplicité ne s'épanche, semble-t-il, que grâce à la surabondance de ses eaux, et pourtant tout se ramène à une origine unique.

« Séparez un rayon solaire de la masse du soleil, l'unité de la lumière ne comporte pas un tel fractionnement. Arrachez une branche d'un arbre le rameau brisé ne pourra plus germer. Coupez un ruisseau de sa source, l'élément tronqué tarit.

« Il en va de même de l'Église du Seigneur : elle diffuse dans l'univers entier les rayons de sa lumière, mais une est la lumière qui se répand ainsi partout, l'unité du oerps ne se moroelle pas. Elle étend sur toute la terre ses rameaux d'une puissante vitalité, elle épanche au loin ses eaux surabondantes. Il n'y a cependant qu'une seule souroe, qu'une seule origne, qu'une seule mère. »

 

Denis JAILLARD

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in La gazette de l'île Barbe n° 23

Hiver 1995

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