Tante Lison est à nouveau dans
la peine avec le départ de sa petite-fille Virginie, la
deuxième fille de Jacques, partie le jeudi 23 septembre. Nous
étions nombreux lundi 27 pour l'accompagner ; très
belle messe - église pleine de fleurs et de monde. Lison [Louise] de
RAUCOURT Le Seigneur, le
tout-puissant, va donner sur cette montagne un festin pour tous les
peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, de viandes
grasses succulentes et de vins vieux décantés. Il fera
disparaître sur cette montagne le voile tendu sur tous les
peuples, l'enduit plaqué sur toutes les nations. Il fera
disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera
les larmes sur tous les visages, et dans tout le pays, il
enlèvera la honte de son peuple. Il l'a dit, Lui, le Seigneur.
On dira ce jour-là : C'est Lui notre Dieu. Nous avons
espéré en Lui et il nous délivre. C'est le
Seigneur en qui nous avons espéré. Exultons, jubilons,
puisqu'il nous sauve. Esaïe,
25, 6-9 Seigneur, Tu nous as dit :
« Venez, les
bénis de mon Père. j'ai eu faim et vous m'avez
donné à manger ;j'ai eu soif et vous m'avez
donné à boire... »[Mt, 25, 34-35 —
NDLR]. Virginie a fait tout cela, s'occupant des plus
pauvres à Paris comme à Clermont, accueillant dans son
appartement ceux qui ne savaient pas où loger, ne rejetant
jamais personne. Pour tout cela, Seigneur, nous savons que Tu lui
ouvres Tes bras, que Tu l'entoures de tout Ton amour et qu'elle est
enfin consolée de son « mal de vivre ». Pour que nous aussi, nous
sachions accueillir en n'excluant personne, nous Te prions,
Seigneur. Henri JOUBERT a
adressé cette lettre à son beau-frère, Jacques
de RA.UCOURT, le père de Virginie. Mohamed est l'époux
de Virginie. Emmanuel est le fils d'Henri JOUBERT ; il s'est
marié le 7 août 1993 à
Crevant-Laveine. Il n'y a pas eu
d'homélie à son enterrement ; le curé de
Saint-Saturnin nous a simplement invités à nous
souvenir de ce qu'elle était pour nous et de ce qu'elle est
pour Dieu. Voici une réponse à cette invitation.
Alors, Virginie, je me
souviens de son passage chez nous, quand elle avait trouvé un
logement chez une vieille dame de Saint-Germain-en-Laye ; en
échange du logement, elle avait peu de choses à faire :
ouvrir les volets ; peut-être vider une poubelle de temps en
temps. Et ce n'était pas un
problème : le problème se situait plutôt dans une
île grecque où travaillait Mohamed. Là, les
choses devenaient compliquées et on avait le sentiment qu'elle
se heurtait partout à des murs invisibles : ne sachant que
décider et que choisir ; prise entre l'amour et le
réalisme. Cela faisait pitié et on ne pouvait pas
l'aider ; je me sentais trop extérieur à sa situation ;
n'empêche que souvent, surtout à l'heure du petit
déjeuner, nous avions de longues conversations...
d'intérêt général, mais qui
dérivaient vite sur ce qui lui tenait à cœur : l'amour.
Et en réalité, c'est un sujet si captivant que tout le
monde a bien quelque chose à en dire, et à ce
moment-là, on se sentait de plain-pied avec elle, et en bonne
entente. Elle avait un côté gentil et charmant : cela
venait de l'inconscience parfaite qu'elle avait d'elle-même :
elle était jolie, fine, intelligente et se montrait capable,
mais elle ne le savait pas. Et si elle l'avait su, elle
n'y aurait pas attaché d'importance. Souvent, dans
l'existence, on rencontre des gens pleins d'eux-mêmes et qui
vous empoisonnent très vite, mais vraiment, ce n'était
pas son cas. Je pense qu'elle avait
très peu de principes, mais que celui auquel elle tenait
d'instinct, c'était un principe tout à fait essentiel :
elle ne rejetait jamais personne. Elle se considérait
elle-même comme sans grand intérêt, mais elle en
avait pour tous ceux qui se trouvent marginalisés et exclus
pour une raison ou une autre. Cela explique bien qu'elle ait pu
s'intéresser au cas des Palestiniens. Je lui avais un peu
parlé au moment de votre mariage et de celui d'Emmanuel et
Bénédicte ; je l'entends encore me dire :
« C'est
très romantique » en regardant Emmanuel et
Bénédicte... et sûrement, il y avait un peu de
nostalgie dans sa voix : le sentiment de ce qui aurait pu être,
mais n'avait pas été. De Mohamed, elle m'avait dit
qu'elle tournait la page, mais en même temps, elle ajoutait :
« Pourtant,
j'avais bien cru que nous ne nous étions pas rencontrés
pour rien. » Voilà ce que je
voulais t'en dire : c'est peu ; elle avait un côté
sauvage, ou plutôt un peu craintif, peut-être la crainte
d'être jugée, ou pas aimée... et ce
n'était pas si facile que cela d'entrer en relation avec
elle... Henri
JOUBERT