Virginie de Raucourt

(1967 - 1993)

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Tante Lison est à nouveau dans la peine avec le départ de sa petite-fille Virginie, la deuxième fille de Jacques, partie le jeudi 23 septembre. Nous étions nombreux lundi 27 pour l'accompagner ; très belle messe - église pleine de fleurs et de monde.

Lison [Louise] de RAUCOURT

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Un festin pour tous les peuples

Le Seigneur, le tout-puissant, va donner sur cette montagne un festin pour tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, de viandes grasses succulentes et de vins vieux décantés. Il fera disparaître sur cette montagne le voile tendu sur tous les peuples, l'enduit plaqué sur toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et dans tout le pays, il enlèvera la honte de son peuple. Il l'a dit, Lui, le Seigneur. On dira ce jour-là : C'est Lui notre Dieu. Nous avons espéré en Lui et il nous délivre. C'est le Seigneur en qui nous avons espéré. Exultons, jubilons, puisqu'il nous sauve.

Esaïe, 25, 6-9

 

Seigneur, Tu nous as dit : « Venez, les bénis de mon Père. j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ;j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire... »[Mt, 25, 34-35 — NDLR]. Virginie a fait tout cela, s'occupant des plus pauvres à Paris comme à Clermont, accueillant dans son appartement ceux qui ne savaient pas où loger, ne rejetant jamais personne. Pour tout cela, Seigneur, nous savons que Tu lui ouvres Tes bras, que Tu l'entoures de tout Ton amour et qu'elle est enfin consolée de son « mal de vivre ».

Pour que nous aussi, nous sachions accueillir en n'excluant personne, nous Te prions, Seigneur.

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Ce qu'elle était pour nous,

ce qu'elle est pour Dieu

 

Henri JOUBERT a adressé cette lettre à son beau-frère, Jacques de RA.UCOURT, le père de Virginie. Mohamed est l'époux de Virginie. Emmanuel est le fils d'Henri JOUBERT ; il s'est marié le 7 août 1993 à Crevant-Laveine.

 

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Il n'y a pas eu d'homélie à son enterrement ; le curé de Saint-Saturnin nous a simplement invités à nous souvenir de ce qu'elle était pour nous et de ce qu'elle est pour Dieu. Voici une réponse à cette invitation.

 

Alors, Virginie, je me souviens de son passage chez nous, quand elle avait trouvé un logement chez une vieille dame de Saint-Germain-en-Laye ; en échange du logement, elle avait peu de choses à faire : ouvrir les volets ; peut-être vider une poubelle de temps en temps.

Et ce n'était pas un problème : le problème se situait plutôt dans une île grecque où travaillait Mohamed. Là, les choses devenaient compliquées et on avait le sentiment qu'elle se heurtait partout à des murs invisibles : ne sachant que décider et que choisir ; prise entre l'amour et le réalisme. Cela faisait pitié et on ne pouvait pas l'aider ; je me sentais trop extérieur à sa situation ; n'empêche que souvent, surtout à l'heure du petit déjeuner, nous avions de longues conversations... d'intérêt général, mais qui dérivaient vite sur ce qui lui tenait à cœur : l'amour. Et en réalité, c'est un sujet si captivant que tout le monde a bien quelque chose à en dire, et à ce moment-là, on se sentait de plain-pied avec elle, et en bonne entente. Elle avait un côté gentil et charmant : cela venait de l'inconscience parfaite qu'elle avait d'elle-même : elle était jolie, fine, intelligente et se montrait capable, mais elle ne le savait pas.

Et si elle l'avait su, elle n'y aurait pas attaché d'importance. Souvent, dans l'existence, on rencontre des gens pleins d'eux-mêmes et qui vous empoisonnent très vite, mais vraiment, ce n'était pas son cas.

Je pense qu'elle avait très peu de principes, mais que celui auquel elle tenait d'instinct, c'était un principe tout à fait essentiel : elle ne rejetait jamais personne. Elle se considérait elle-même comme sans grand intérêt, mais elle en avait pour tous ceux qui se trouvent marginalisés et exclus pour une raison ou une autre. Cela explique bien qu'elle ait pu s'intéresser au cas des Palestiniens.

Je lui avais un peu parlé au moment de votre mariage et de celui d'Emmanuel et Bénédicte ; je l'entends encore me dire : « C'est très romantique » en regardant Emmanuel et Bénédicte... et sûrement, il y avait un peu de nostalgie dans sa voix : le sentiment de ce qui aurait pu être, mais n'avait pas été. De Mohamed, elle m'avait dit qu'elle tournait la page, mais en même temps, elle ajoutait : « Pourtant, j'avais bien cru que nous ne nous étions pas rencontrés pour rien. »

Voilà ce que je voulais t'en dire : c'est peu ; elle avait un côté sauvage, ou plutôt un peu craintif, peut-être la crainte d'être jugée, ou pas aimée... et ce n'était pas si facile que cela d'entrer en relation avec elle...

Henri JOUBERT

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